C’est quoi, pour toi, cet enseignement. Non pas, qu’elle est sa définition, mais comment tu le vis, à titre personnel ?
Deux mots qui me viennent : dépouillement et vraie nature.
La spécificité de cet enseignement par rapport à d’autres, c’est son côté appliqué, qui ne passe pas par la compréhension intellectuelle… Quand je compare à des enseignements comme le néo-advaita, il y a beaucoup d’explications, de questions-réponses, mais finalement, ça reste beaucoup au niveau du mental. Ici, c’est très concret, très appliqué, et souvent, je n’ai pas compris en quoi ça correspondait à la même recherche. Mais au final, je constate les effets et la transformation.
Personnellement, ce que je trouve différenciant par rapport à d’autres enseignements que j’ai côtoyés, c’est le niveau d’engagement qu’il réclame, et ce processus qui est allé crescendo au fil des années.
C’est un enseignement qui n’est pas juste théorique, mais appliqué, avec des outils, dont je ne comprends pas toujours le rapport avec l’essentiel de notre quête, mais qui ont montré leur efficacité, comme le travail sur la procrastination, qui a été majeur pour moi. Enfin, c’est vivant, sans cesse renouvelé. Il n’y a pas une forme établie. C’est vraiment extrêmement vivant.
C’est pour moi le sens du dépouillement… C’est cette notion de direct. D’enlever le superflu.
Dépouillement pour aller vers sa vraie nature.
C’est un moyen pratique pour découvrir la dimension de notre humanité. D’aller aux limites.
Les mots qui me viennent, c’est piste d’envol.
C’est d’être accompagné à la rencontre de moi-même, de tout ce que je sais vers tout ce que je ne sais pas. Le mot accompagnement est pour moi très important, car il inclut la nécessité d’être accompagnée.
Et j’ai vraiment cette image de la main tendue, où l’autre me tend la main, mais je la prends.
Pour aider, regardez quelles étaient vos attentes quand vous avez commencé à suivre l’enseignement…
Je me sens de plus en plus proche avec les gens, même s’ils n’ont pas les mêmes pensées. Et je crois que ça vient du fait de m’être débarrassée de tout ce qui m’a construite. C’est vraiment ce qui m’a le plus frappé, pas au début, mais depuis plusieurs années. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’aimer tout le monde.
Ce que je voulais au début, c’était l’éveil, sans savoir vraiment ce que c’était.
Mais ce que je retiens, c’est d’avoir été guidé avec beaucoup de bienveillance, mais aussi, de façon implacable. Ce qui m’a obligé à beaucoup de sacrifices, mais avec une évidence d’aller vers moi-même. Et je l’ai fait pour moi. C’est un accompagnement vers la mort, aussi.
Le mot bienveillance est extrêmement fort pour moi. Et je me souviens de la prise de conscience du jour où j’ai réalisé ça, et que ça allait dans les deux sens. Et quand je parle de sacrifice, évidemment, c’est le sacrifice du superflu. C’est pourquoi, pour moi, le mot dépouillement résume tout ça.
Mes attentes, c’était de répondre à un appel intérieur, que je ressentais depuis plusieurs années, pour pouvoir accomplir mon devoir existentiel, mon destin, dans un enseignement qui correspondait à ce que je comprenais et que la vie m’offrait, un enseignement pour lequel je sentais un OUI.
Il y a une présupposition derrière ma question, c’est que tout le monde avait des attentes, et est allé vers ses attentes.
Oui, complètement.
Mes attentes : trouver des outils pour être autonome.
Trouver un enseignement et un enseignant qui me donne les outils pour arriver à faire ce que je ne pouvais pas faire seul.
Depuis toujours, le chant des sirènes… et elles sont comblées, oui.
Une autre attente, enfouie : trouver une école où on apprend à être des humains ensemble. J’avais abandonné ce rêve, je n’y croyais même plus.
Je me demandais pourquoi Gurdjieff avait appelé son institut : Institut pour le développement harmonique de l’homme. Et aujourd’hui, je le vis ici. Et je comprends qu’il n’y a qu’avec des êtres qui ont fait ce travail que c’est possible.
Je n’avais pas d’attentes. J’ai été poussée là-dedans. Mais peu à peu je me suis réconciliée avec moi-même, et c’est vraiment le plus important. Et en même temps, j’étais effarée par toutes ces pollutions identitaires en moi que j’ai trouvées sur le chemin.
Je me demande, suis-je vraiment comblé ? Tant que je n’ai pas l’impression d’y être en permanence, même si j’y suis quasiment tout le temps, je ne peux pas dire que je suis comblé.
Pour moi, il y a aussi une dimension non dite. J’ai souvent cette sensation, qu’à travers des choses très concrètes, comme quand tu nous as montré comment aiguiser des couteaux, c’est quelque chose d’autre qui passe.
Je cherchais un maître accessible, et voilà.
Moi aussi, le non-dit me parle. Tu amorces juste le truc, et ensuite, c’est à nous de faire notre travail. Mais il n’y a que comme ça qu’on peut vraiment le comprendre ou le vivre.
C’est le contraire de ce que je lis, quand je lis des bouquins sur la non dualité.
Tu fais parfois preuve de radicalité, mais tu es parfois plus bienveillant en fonction de la personne et de son contexte à elle.