Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Sur la relation avec l’instructeur

Lors d’une petite réunion à la fin d’une de nos rencontres, quand la plupart étaient déjà partis, nous avons parlé de moi en tant que « être humain normal » et moi en tant qu’instructeur.
J’ai dit qu’il n’y a pas de différence pour moi, c’est à ceux /celles pour qui c’est une interrogation de trier.
Je ne peux pas être guide à ce sujet.
Quelques réflexions supplémentaires :
– au niveau d’un travail sur soi qui se fait à chaque instant, faire une telle différenciation serait erroné.
– si quelques-un(e)s de mes comportements/attitudes sont vécu(e)s comme déroutant(e)s, tant mieux.
– si quelqu’un a une image de moi qui ne « colle » pas avec son idée de comment un instructeur devrait être, tant mieux.
– au niveau humain je suis comme tout le monde. Avec tous mes défauts, je ne peux/veux pas servir d’exemple. Au niveau de mon rôle d’instructeur, je sais que je suis exigeant. J’ai cette exigence aussi vis-à-vis de moi-même. Suivre un enseignement impersonnel renvoie en premier lieu (et toujours) à soi-même quelle que soit la situation ou la personne.
– je ne suis ni sauveur ni pas-sauveur. Je ne suis ni agrémenteur ni désagrémenteur. Quand il y a projection sur moi je deviens miroir. Quand il y a des attentes vis-à-vis de moi, attendez-vous à une non-suite.
– je ne suis pas contre l’affectif à condition qu’il n’y ait pas d’attachement/identification.
Je suis disponible pour répondre aux questions à ce sujet.

Bien que la plupart d’entre nous ayons déjà dépassé le stade de choisir un instructeur, je voudrais partager qu’il est très important d’avoir foi dans son instructeur peu importe qui il est.
La raison en est très simple : sans cette foi, on peut constamment questionner les motifs de l’instructeur, ce qui en retour handicape son propre travail. Il est absolument nécessaire d’avoir confiance dans la guidance de l’instructeur, même quand cela remet grandement en question les préférences personnelles, croyances et points de vues.
La raison de cette nécessité est très simple : si on peut faire confiance à l’instructeur dans ces circonstances alors on apprend à avoir confiance dans la vie elle-même. Et après tout nous sommes tous là pour vivre la vie réelle !

Tout me renvoie à moi–même : l’ennui et la gêne d’avoir à m’investir dans des démarches alors que l’administratif me pèse, les interrogations voire les doutes qui peuvent me venir sur les comportements ou les tribulations de notre instructeur, mon incapacité à communiquer avec aisance avec certains membres du groupe, mon incapacité à me rappeler moi-même régulièrement tout au long de la journée, etc, etc.
À quoi ça me renvoie en moi ? Qu’est ce qui est touché en moi ? Qu’est-ce que je me raconte ? Qu’est-ce que je me projette ?
C’est à moi d’être lucide à propos de cela. Je peux me planter et alors le groupe est une véritable bénédiction (parfois douloureuse comme lorsqu’on perce un abcès, mais souvent libératrice), mais c’est mon travail. A chaque moment. Pas juste quelques fois par an lors de nos rencontres.
Et puis il y a cette confiance en la vie en qui je me remets sans aucune certitude quant aux résultats. Juste avec l’idée qu’il m’arrivera ce dont j’ai le plus besoin pour mon évolution. Bien sûr, je ne parviens pas à vivre cet « abandon » en permanence : il me reste alors à regarder au fond de moi pour observer ce qui s’y trouve : de la peur bien souvent, parfois une avidité, et surtout mon impuissance. J’accueille ça et la douleur qui va avec. Et ma petitesse.
Alors les questions que je pourrais me poser sur notre instructeur… oui, c’est une bonne occasion d’aller explorer ma cave et les ombres que j’y nourris. Aucune certitude. Juste rester sur le fil. En équilibre. Avec la confiance en la vie et en la mort, et aller là où le vent me pousse sans trop chercher à bifurquer là où moi j’aimerais me réfugier. Et lorsque ce vent souffle depuis mon intérieur, alors là, pas question de m’y opposer. Et actuellement je le sens me traverser, balayer mes idées, commencer à décoller certaines vilaines peurs. Je m’ouvre, j’ai peur, je m’ouvre encore plus. Et là j’éclate de rire !

Pour moi l’enseignement repose sur une compréhension mutuelle de ne pas impliquer la (fausse) personnalité dans les interactions (ce que je ne suis pas complètement encore en mesure de faire, bien sûr). Il ne peut y avoir de contestation en moi sur ce qui peut/pourrait être vrai ou faux dans l’enseignement. Quoiqu’il dise ou fasse, je dois intégrer ça dans « l’enseignement » pour moi-même. Le jour où je commencerai à examiner à chaque fois si ce qu’il fait est bien ou mal, bon ou mauvais, l’enseignement ne sera plus efficace.

Je souhaite réaffirmer l’importance de faire la distinction entre les niveaux logiques.
La distinction est du même ordre que celle qui se fait entre « accepter ce qui est » et savoir dire non dans certaines situations (par exemple, lorsque votre voisin joue de la batterie toute la nuit sous votre porte ou lorsqu’un gars viole une fille à coté de vous dans le RER). Je peux accepter au sens où je ne pense pas : « ceci devrait être différent. Dans un monde idéal, ceci ne devrait pas exister. » Et en même temps, je peux dire Non et envoyer mon poing dans la figure du gars ou appeler la police. Acceptation ne veut pas dire passivité et résignation.
L’acceptation, l’accueil est au niveau existentiel, la passivité est au niveau fonctionnel.
De même, oser dire Non à l’instructeur sur un certain nombre d’éléments de la vie fonctionnelle, qu’il s’agisse du choix d’une marque d’aspirateur (avec ou sans sac), du type d’huile à mettre dans le dessert ou de l’heure du petit déjeuner ne me semble pas jeter le doute face à l’enseignement, cela m’apparaît même comme un devoir de sincérité face à moi-même, plutôt que de faire l’autruche au nom d’une pseudo-acceptation.
En tout état de cause, lorsque ces niveaux se mélangent, il appartient à chacun de faire le tri pour lui-même (comme toujours d’ailleurs). Et bien sûr, si quelque chose me dérange, c’est l’occasion de faire mon travail.
Mais attention au piège qui consiste à faire l’autruche au nom d’une pseudo-acceptation.
À l’extrême, la question devient : « et que se passe-t-il si ma valeur de base m’invite à dire non à l’instructeur dans une situation, à ne pas être en accord avec l’enseignement ? »
Bouddha a dit : « si tu me trouves sur ton chemin, tue-moi ».
Pour ma part, je regarde instant après instant si ce qui me dérange ici ou là est de l’ordre de mon intérêt personnel. Je scanne, et parfois, je me concerte avec d’autres pour regarder s’il s’agit d’un angle mort. Je présuppose que notre instructeur fait de même de son côté.
Et régulièrement, je dis ce que j’ai à dire, en toute sincérité, quitte à m’opposer à lui, car la sincérité envers moi-même est plus importante que l’image que je peux donner à lui. Et, miraculeusement, il m’en remercie régulièrement.
Soyez vous-même ! Osez dire et être. Faites confiance à lui. dans sa capacité à vous entendre et au groupe à vous recadrer s’il sent que vous êtes dans l’intérêt personnel.

Pour moi, l’enseignement s’expérimente à travers le groupe, où il fait son travail d’instructeur, mais je ne peux pas séparer les deux.
Les aspects de sa personne font partie des données ; j’en accueille les échos en moi avec attention (sans tension) ; idem pour les autres personnes du groupe.
La sincérité dans le groupe est une sorte de trésor dont nous sommes chacun responsable. C’est la condition de cette solitude-fraternité, aussi indissociable l’une de l’autre que le recto et le verso d’une feuille de papier. Prenons-en soin.

J’ai médité sur quelques sujets depuis notre dernière réunion et je voudrais voir si ce que j’ai trouvé est ce que tu appelles des « graines non cuites ». Cela tourne autour d’une projection qui s’est formée autour de toi, depuis notre dernière rencontre. J’aimerais explorer ça parce que ça me semble être un obstacle sur ma voie.
J’étais conscient lors de nos premières rencontres que parfois je ne voulais voir que la gentillesse et la compassion en toi ; je te voyais comme une sorte de dieu plutôt que comme un homme. Mais je constate maintenant, après t’avoir côtoyé dans des situations plus informelles (discussions à propos de la machine à laver, etc. :), que cette projection s’est effondrée.

Super !

Et une projection encore plus négative a pris sa place.

Il ne devrait y avoir aucune autre projection.

Je suis bien conscient de cela. Je « revendique » mes projections. Mon sentiment est que je ne suis pas le seul dans le groupe à faire des projections sur toi ainsi que des projections sur le Soi (puisque tu as représenté le Soi pour moi à certains moments). Je comprends maintenant que le Soi est infini et sans forme et qu’il peut prendre la forme de toutes sortes de projections !

Toutes les projections sur moi comme sur n’importe qui d’autre appartiennent au domaine de l’imaginaire.

Juste, mais la distinction entre l’imaginaire et la réalité est le sujet dont nous parlons.

Oui.

J’ai le sentiment que tu vas faire un mauvais usage de ton pouvoir, que tu vas me manipuler et que peut-être même tu me tromperas. Qu’au lieu d’utiliser ton pouvoir pour le bien de tous, tu vas l’utiliser à des fins égoïstes.

Cela ne serait possible que si j’étais entouré d’adultes infantiles qui n’auraient pas encore appris à assumer la responsabilité de ce qu’ils font.

Est-ce que cela implique que tu comptes sur tes élèves pour rester « honnête » ?

Non.

Mon sentiment est que je ne suis pas le seul dans le groupe à avoir des projections parentales inachevées. Traiter cela ne fait-il pas partie de ton travail d’instructeur ?

Je peux seulement le pointer lorsque je l’observe, mais je ne peux pas faire le travail pour quelqu’un d’autre. J’ai dit clairement et maintes fois que toute personne qui suit mon enseignement fait cela pour elle-même.
Lorsque quelque chose ou quelqu’un te dérange, garde la vigilance focalisée sur toi et pas sur cette chose ou cette personne (que ce soit moi ou quelqu’un d’autre).

Quand je regarde dans ces images et ces sentiments, je vois à la fois des traces de ma relation avec mon père lorsque j’étais jeune, et des résonances avec mon propre comportement. En outre, je vois un lien évident avec ma propre réticence à assumer des rôles d’autorité dans la vie.

C’est probablement lié à la considération interne.

J’avais l’habitude de concevoir la considération interne essentiellement comme une sorte de dialogue interne.
Pour moi les projections ont une base plus viscérale/émotionnelle (plus proche de la croyance de base ?). La séparation de moi/l’autre est alimentée par de puissantes émotions. Se libérer de celles-ci est d’autant plus difficile que les émotions sont si convaincantes. 🙂 Cet échange avec toi me pousse dans un coin sans aucun espoir d’échappatoire issu de mon imaginaire.

Les projections sont liées à la considération interne.
Tu considères Intérieurement l’autre (au lieu d’avoir de la considération externe pour lui).
Tu sais, habituellement dans la vie quotidienne, on ne te demande pas et on n’attend pas de toi que tu pratiques de la considération externe, mais un instructeur oui, il l’exige.
Il n’est pas possible d’être en considération externe alors qu’on est en mode considération interne.
C’est l’un ou l’autre mais pas les deux.
Donc, soit tu considères intérieurement soit tu considères extérieurement l’instructeur.

Serais-tu d’accord pour dire que certaines projections valent le coup de ne pas être jetées à la poubelle ?

Non, je ne le suis pas.
Toutes les projections sont imaginaires, ne reposent pas sur la réalité, et sont en général fondées sur le fait de ne pas s’assumer complètement soi-même. Elles reposent toujours sur le fait de ne pas faire un travail correct sur soi-même.

Il se peut que cet échange ne soit qu’un début, parce qu’il semble indiquer que j’ai suffisamment confiance en toi pour te parler de ces sentiments de méfiance. C’est un sujet délicat. La plupart du temps, je repère bien ma tendance à ne discuter avec toi que de façon assez abstraite et d’éviter ainsi un contenu plus « personnel ». Aussi ma question est de savoir si tu es la bonne personne avec qui travailler sur mes interrogations autour du pouvoir ? Il me semble que toute discussion au sujet d’aller au-delà de la personnalité est prématurée, tant que ces projections sont toujours actives.
Je suppose que la manière dont tu répondras, me donnera quelques informations sur la façon de procéder dorénavant.

D’abord mettre de côté toutes les projections.

On doit d’abord identifier les projections comme étant des projections.

Exact, ensuite il faut les écarter dès que possible et rester centré sur toi-même seulement.
Projeter, c’est aussi : s’attarder sur ce qui pourrait « être foireux » chez l’autre.
Une fois que ceci est permis, on est déjà aliéné.
Prendre l’entière responsabilité de ce que tu fais.
Un instructeur n’est pas quelqu’un qui te « sauve ».

Qu’en est-il d’« aider » ? Un instructeur peut-il aider à identifier les projections ?

Je ne sais pas si l’aide est nécessaire.
Pour moi, cela semble si facile : chaque fois que tu vois quelque chose en la personne de l’instructeur (et/ou en toute autre personne) qui détourne ton attention de toi-même et pointe vers l’autre, alors tu projettes.
Il y a une séparation moi/l’autre.
Cette projection a créé la séparation et, par conséquent, a renforcé ton ego.
Donc, chaque fois que cela se produit, reste dans l’observation de ce qui se passe à l’intérieur, arrête la projection.
Quand tu fais cela systématiquement, tu n’as pas besoin de l’aide d’un instructeur pour te débarrasser des projections.

Alors à quoi sert l’instructeur ?

L’instructeur est au service de l’essence de ses étudiants et met en évidence ce qui est relatif à l’ego. Lorsque tu projettes sur lui, il ne peut pas faire ce/son travail.

Cela me semble paradoxal. C’est évident que les projections tomberont sur l’instructeur et que celles-ci annuleront la valeur de l’enseignement pour l’étudiant.

Juste.

Je dis « je ne te fais pas confiance » et tu dis « on ne peut pas me faire confiance », tu me redonnes ce que je t’ai donné. Je n’avais pas d’autre choix que de le digérer (ou m’en aller).

Juste.

Je pense que ce dialogue m’a été très utile et que j’ai ce qu’il faut pour continuer. La projection est une polarité et je peux me situer à n’importe quelle extrémité du drame. Il s’agit d’un drame entre le faible et le fort. D’un côté, il y a le sentiment de totale dépendance et d’impuissance et la peur d’être dominé et blessé par ceux qui sont puissants. Et de l’autre côté, il y a un sentiment de puissance et de force accompagné d’une réaction de colère et de dégoût face à l’impuissance et la peur de l’autre. Je vois comment ce drame a fait surface encore et encore au cours de ma vie, de toutes sortes de façons. Maintenant, je vois que ceci n’est pas qui je suis, je ne suis ni l’un ni l’autre, je suis le soi.

Méfie-toi de la dépendance, elle est totale faiblesse.
Arrêter toutes les tendances qui permettent les transferts et les dépendances.
Permets/accepte la souffrance d’être seul au lieu de compter sur quelqu’un d’autre.
Permettre/accepter la souffrance pourrait faire monter la croyance de base.
Accepter sa totale impuissance est une souffrance nécessaire qui génère de la force dans l’essence (ce que tu as appelé « soi »).
Maintenir le contact avec l’essence aide à prendre conscience des mécanismes de l’identité.
D’ailleurs, tu n’auras jamais à 100% l’assurance que l’instructeur est ou restera « propre ».

Qu’en est-t-il de la simple confiance ? Je sens que j’en ai pour toi.

La confiance est facile à avoir quand tout va bien.
Mais quand tu rencontreras des « graines non cuites » (matériel psychologique non digéré et traumatismes de la petite enfance), tu seras facilement emmené à faire les projections.

Eh bien, c’est précisément la raison pour laquelle j’ai commencé ce dialogue.
Suggères-tu que je suppose que le sage (toi) est d’une certaine manière parfait ?

Non.
Ni parfait ni imparfait.
L’attention doit être focalisée sur toi-même, non pas sur l’instructeur.

Et que toutes les imperfections qui se lèvent (les craintes, les doutes, la colère, la méfiance, etc.) font partie de moi (l’ego) et doivent donc être ignorées ou jetées ?

Une fois que tu as pris la décision consciente d’accepter un instructeur comme ton instructeur, oui.
Sinon, ça n’aurait pas de sens d’être avec un instructeur.

Est-ce le « complet abandon » dont tu parles ?

Par le « complet abandon » à un instructeur tu peux être connecté à sa/la grâce.
Tu suis ses recommandations.
En règle générale, un instructeur s’attend à ce que tu (l’)écoutes et que tu mettes en pratique ce qu’il (te) transmet.
Il appartient au disciple d’être très attentif, ouvert et de se rendre lui-même vulnérable.
(D’ailleurs, j’ai été la plus grande partie de ma vie un disciple et j’ai pratiqué ce que je te dis ici.)

Si oui, à qui t’es-tu soumis de cette façon ?

J’ai eu plusieurs instructeurs, et une fois que j’ai décidé d’être leur disciple, j’ai toujours suivi au mieux leurs recommandations.

Mon expérience est que mon attention bascule entre le soi et l’ego, mais n’est pas fermement établie dans le soi encore. Quand je suis le soi, je n’ai aucun doute sur la perfection du soi et que toi (et tous les autres) est le soi. Mais le sage (toi) n’est pas seulement le soi, lui aussi, a un ego avec ses propres tendances (karmas). Même si le sage (toi) peut être totalement détaché de cet ego et pleinement établi dans le soi, cela ne signifie pas que cet ego n’est pas capable de méfaits dans le monde de la non-réalité. Est-ce que le travail est de rester fermement concentré dans le soi et c’est tout ? Qu’il n’est pas nécessaire d’essayer de « réformer » l’ego, que cette volonté de « réforme » est encore une autre forme de l’ignorance de l’ego ? Lorsque nous nous réunissons nous restons avec notre attention dans le soi et nous refusons de permettre à l’ego de réclamer notre attention.

Une fois, on a demandé à Rajneesh (Osho) : « Comment puis-je reconnaître un véritable instructeur sans ego ? »
Il a répondu : « Peu importe que l’instructeur soit authentique et sans ego, ce qui compte vraiment, c’est que vous soyez un disciple véritable et authentique. Un disciple véritable et authentique y arrivera, même avec un « faux » instructeur. »

L’instructeur peut te ruiner.
Penses-tu vraiment que tu pourrais, si tu voulais ?

Non. Mais on ne sait jamais. C’est à toi de prendre finalement une décision consciente : soit tu te soumets complètement et tu acceptes les chocs, soit tu vas chercher quelqu’un d’autre ou tu peux aussi essayer (probablement en vain) de découvrir l’ultime par tes propres moyens.

Ma question n’est pas de savoir découvrir l’ultime, mais de travailler avec le relatif. L’accent est différent. Ma compréhension est que l’ultime est non touché par le relatif, mais cependant le relatif peut masquer l’ultime. Lorsque le relatif essaie de prendre soin du relatif, il y a des problèmes, quand l’ultime prend soin du relatif les choses sont OK. À mon sens, avoir un instructeur est une chose précaire, et il est préférable de « faire le travail », puis aller de l’avant aussi rapidement que possible. Es-tu d’accord ?

Que veux-tu dire par « aller de l’avant aussi rapidement que possible » ?

Je veux dire aller au-delà de toute forme de dépendance à l’égard de l’instructeur. Je ne sais pas s’il y a un intérêt quelconque à continuer la relation une fois que la dépendance est finie ?

Je le formulerais ainsi : une relation fructueuse avec l’instructeur ne peut avoir lieu que lorsqu’il y a absence de dépendance, de transferts et de projections.
Le disciple doit être en mesure d’assumer toute la responsabilité (dans le sens où blâmer l’instructeur quelle que ce soit la raison n’est jamais une solution) lors de la mise en pratique des recommandations de l’instructeur.
« Aller de l’avant aussi rapidement que possible » est un « hors-sujet ».
Un disciple peut quitter l’enseignement quand il sent devoir le faire, et l’instructeur peut renvoyer le disciple chaque fois qu’il sent devoir le faire.
Personne n’a jamais atteint l’ultime sans être capable de prendre des risques, sans être prêt à recevoir des chocs directs, sans tampons ni amortisseurs, sans chercher à les éviter.
Quoique tu observes et juges chez moi ou chez quelqu’un d’autre, lorsque le centre de ton attention est sur les autres au lieu d’être centré sur toi-même, tu es dans l’erreur.

Je suis d’accord. 😉

J’ai lu avec intérêt ce dialogue. Je le trouve clair à propos du rôle de l’instructeur et comment les projections du disciple interfèrent inévitablement dans l’enseignement. Pour moi, quand j’ai réalisé au début de l’enseignement mon propre « état non nettoyé » et combien je projetais dans ma vie, j’ai compris également que cela se rapportait bien sûr aussi à ma relation avec l’instructeur. La seule chose que je pouvais faire était de décider de toujours essayer de garder cela aussi propre que possible. Je pense que c’est une décision que chacun se doit de prendre, sinon il peut s’égarer. De même, si je considère intérieurement l’instructeur, il est impossible de le voir clairement (je le sais car j’ai considéré intérieurement ma femme pendant des décennies. Donc la seule façon de savoir si un instructeur est « propre » ou non est d’être moi-même aussi propre que possible : si tu serres la main de l’instructeur avec des mains sales, comment peux-tu dire si ses mains sont propres ?
C’est très utile ce qui a été dit à propos des projections. Je peux voir comment j’ai tendance à projeter dans ma vie quotidienne, sur les gens, sur les choses ou les événements. C’est comme si mon « attention émotionnelle » était dirigée sur quelqu’un/quelque chose et quand je le remarque je me retourne vers moi-même (ou peut-être que simplement je « dé-pointe »). C’est comme si un détachement arrivait et que je sentais de nouveau mon Soi. Cela semble pas mal prégnant chez moi, comme si cela donnait du sens aux concepts que j’ai à propos du rappel de soi et au sentiment « Je Suis » dont parle Nisargadatta. Mon sentiment est que si je projette, je me « perds » moi-même dans le « relatif », ou le « monde mécanique », parce que je ne suis pas capable de rester centré. Avec le concept de « projection » je suis souvent capable d’éviter la considération interne assez aisément en vérifiant simplement « où je porte mon attention ».
Ma pratique courante est principalement : je fais un focus émotionnel sur moi-même quand je me rends compte que je projette, et j’essaie aussi de garder mon espace intérieur impersonnel.