Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Les trois cerveaux

Un être humain a 3 centres (ou cerveaux) : intellectuel, physique/instinctif et émotionnel. Dans l’idéal (absence permanente de mécanismes identitaires) chacun des cerveaux fonctionne de façon indépendante. Un des traits principaux de l’identité c’est de créer une grande confusion en basculant de l’un à l’autre, et en permettant à un des cerveaux de s’activer pour quelque chose qui ne peut être accompli que par un autre, en créant un véritable tohu-bohu cérébral.
Cela peut aider de savoir que chaque cerveau « roule » à une vitesse différente, l’émotionnel étant le plus rapide, l’intellectuel le plus lent. C’est toujours le cerveau émotionnel qui capte en premier une situation mais ça se passe tellement vite que c’est difficile de s’en apercevoir. Le fonctionnement du 2ème, le cerveau instinctif/physiologique, est plus facile à observer parce que ça inclut toutes les réactions nerveuses et hormonales. Le plus lent est le cerveau intellectuel. Quand il commence à décrire ou à commenter une situation, celle-ci appartient déjà au passé.
Chaque cerveau a une grande intelligence innée qui ne peut pas s’exprimer complètement à cause des interférences quasi-permanentes des deux autres cerveaux, d’ailleurs, la seule façon de pouvoir rester en conscience corporelle quand on doit se concentrer sur une tâche intellectuelle sans être distrait, est de tenir à l’écart les tentatives des cerveaux émotionnels et instinctifs/physiques d’interférer.
Commencez à observer ça chez les autres et en vous-mêmes (tout en sachant que ça ne peut donner des résultats que quand vous le faites en conscience corporelle) :
comment des émanations instinctives/physiques basculent vers des émotions (« cette douleur me met de mauvaise humeur »), comment le non-accueil d’une souffrance nécessaire fait basculer le cerveau émotionnel vers le centre intellectuel (sur-intellectualisation), comment une tâche purement intellectuelle est perturbée par des douleurs physiques ou des préoccupations émotionnelles (je me souviens de P. qui disait qu’il ne pouvait pas participer à une discussion parce qu’il était préoccupé par les problèmes de son divorce), et ainsi de suite, il y a d’innombrables exemples.
Merci de partager vos observations ici.

Dernièrement j’ai eu deux expériences de malaises physiques que j’ai vécu de manière différente : la première était due à une grippe qui m’a plongé dans une intense fatigue physique pendant 7 jours. Le malaise physique a été pollué par de la considération interne avec le désir d’être reconnu comme malade et donc non apte à réaliser certaines tâches. Je voulais obtenir la reconnaissance de la misère que je vivais… pour me sentir exister ! Le centre intellectuel s’invitait dans le ressenti physique en bâtissant une histoire, comme quoi les gens autour de moi devraient me reconnaître comme malade, et éventuellement le centre émotionnel pouvait s’inviter à son tour en ressentant comme étant injuste cette absence de reconnaissance, d’où colère et frustration. La seconde expérience, je la vis depuis 4 jours, avec une infection à un doigt (panaris) qui me lance fortement. J’ai là aussi vu la mise en place du refus de la souffrance nécessaire avec la recherche d’une reconnaissance de la souffrance que j’endure. Cette fois-ci, en revanche, le mécanisme a été mis à jour au moment même où il se mettait en place, grâce aux échanges de notre rencontre, et comme d’habitude, j’ai bien vu que la limite entre la dénonciation de ce mécanisme, et la soumission à celui-ci est vraiment ténue et que je pouvais facilement basculer de la lucidité vers le mensonge à moi-même. En revanche, je peux aussi témoigner que lorsque les trois centres sont bien séparés, comme c’est le cas dans la conscience corporelle, il est même surprenant de pouvoir vivre ou assister à un événement sans que l’émotionnel ni le mental ne s’invitent de force. Il y a alors l’événement qui se déroule simplement, dans une forme de neutralité, avec un champ perceptif très large et ouvert, et dans un vécu du moment présent très dense et dépouillé. Qu’est-ce que c’est reposant !

En ce moment, et depuis hier soir, j’ai des problèmes physiques. L’un d’entre eux est une hypertension artérielle (203/100). Cela a pour effet de légers étourdissements et une légère anxiété physique. Chaque fois qu’il y a une sensation dans ma poitrine, le bras gauche ou la mâchoire, je dois résister à la tendance du centre intellectuel à faire un mauvais pronostic ce qui conduirait alors le centre émotionnel à l’anxiété. J’essaie d’être suffisamment clair pour prendre la décision de me rendre ou pas au centre médical d’urgence. Bon, d’avoir écrit cela a introduit plus de clarté dans le cerveau intellectuel sans interférence des autres cerveaux. La décision est d’appeler le centre médical.

Pour la 1ère fois, je suis devenue « conductrice » sur un site de covoiturage, et les choses ne se sont pas déroulées très facilement. Une personne en retard, l’autre qui avait pris un rendez-vous erroné, circulation intense et des horaires d’arrivées impossibles à tenir, ne tenant pas compte de la circulation. Donc les circonstances ont créé des émotions, qui se sont traduites par des sensations physiques, j’ai tâché de rester à observer ces sensations mais l’intellect s’en est mêlé, « j’aurais dû prendre en compte ce paramètre et celui-là » etc. Puis accepter le fait que oui, je n’ai pas pris en compte ces paramètres. J’ai donc accueilli la souffrance nécessaire, et bien sûr je réajusterai si je recommence l’expérience. En tous les cas, j’observe très nettement que mon centre émotionnel pourrait perturber, brouiller, le centre physique/instinctif et le centre intellectuel si je le laissais envahir l’espace. Mais en fait, je constate, que si je reste dans la conscience corporelle, ces perturbations occasionnelles ne laissent pas de traces.

Un exemple d’observation sur les autres : j’étais en réunion, et mes collègues sont en période de stress parce qu’ils ont une application à tester et livrer pour la fin du mois et il y a encore beaucoup de problèmes. Et dans ce contexte qui devrait engager uniquement les centres intellectuels (pour faire ce qui doit être fait) et physiques (car il y a des journées à rallonge), je vois l’émotion ressortir fortement, avec des échanges un peu agressifs et beaucoup de temps passé à discuter des rapports humains ou à se justifier : « il va falloir qu’on fasse une réunion pour discuter de tout ça », « ça ne peut pas continuer comme ça sinon… ») qui est autant de temps et d’énergie perdue ! Alors j’observe avec bienveillance en essayant d’amener un peu d’humour pour détendre tout le monde.

Une observation récente : la non acceptation de la souffrance nécessaire chez ma sœur se manifeste par une agressivité rentrée mais palpable et déborde sur le centre intellectuel provoquant des réactions inadaptées à la situation. La souffrance nécessaire étant de reprendre pour la énième fois un dossier de téléphonie pour ma mère dont il manquait un document, ce que ma sœur n’avait pas compris étant trop occupée à se plaindre de la situation et à en vouloir à mon frère qui s’était occupé du dossier en premier lieu. De mon côté, assistant aux « dégâts » provoqués par cette situation, j’ai repris calmement le dossier, j’ai compris qu’il manquait un document essentiel que j’ai retrouvé, et du coup ma sœur a pu recontacter le service, leur donner l’information manquante et le dossier a été clôturé après 9 mois de procédure.

Pour rappel, c’est toujours le cerveau émotionnel qui capte en premier une situation mais ça se passe tellement vite que c’est difficile de s’en apercevoir.
Merci de continuer à observer les fonctionnements des 3 cerveaux chez toi et chez les autres, et merci de partager ici d’autres exemples. D’ailleurs, il y a 3 déclencheurs majeurs qui nous font oublier d’être en conscience corporelle :
– Ne pas accueillir une souffrance nécessaire au moment où une situation l’exige.
– Exprimer ou réprimer une émotion désagréable au lieu de la transformer.
– Autoriser un cerveau à traiter ou à interagir dans une situation pour laquelle il n’est pas adapté.

Le président de ma boîte a eu un entretien avec moi pour me dire que je n’avais pas sa confiance sur le dossier principal qui m’occupe. Mon cerveau émotionnel a été touché et ma réaction a été de vouloir lui expliquer mes difficultés et me justifier. Mais des éléments intellectuels sont revenus à la lumière qui tendaient à mettre en lumière une falsification de sa part.
De plus, sa seule présence me met mal à l’aise depuis le tout début. Je suis resté avec les messages envoyés par les 3 cerveaux et j’ai composé en conséquence en faisant « comme si » avec une clarté qui me paraît aujourd’hui adaptée à la situation : partir et accepter sa volonté de m’écarter. J’ai confirmé aujourd’hui ma volonté de ne pas poursuivre dans cette entreprise.

En essayant de vivre la conscience corporelle le plus souvent possible ces derniers jours, j’ai pu reconnaître que lorsque j’y suis, chaque cerveau est « à sa place ». Je ressens un équilibre, une simplicité et une détente en arrière-plan, dans le vécu du moment. Mais comme je n’arrive pas à maintenir en permanence ce vécu, le brouillage intervient et j’essaye à ce moment-là d’apercevoir quel cerveau est à l’œuvre. J’ai ainsi cru constater qu’effectivement l’émotionnel semble intervenir immédiatement dès qu’une de mes croyances, ou valeurs, ou convictions se heurte à une réalité qui la contrarie. Immédiatement l’émotion crée une réaction interne qui s’exprime par une sensation désagréable (une tension très souvent) qui nourrit le rejet qui ensuite est justifié par un discours intérieur égocentré venant donner raison à ma réaction négative, à travers le jugement notamment. Actuellement les discussions autour de la politique et des présidentielles, offrent un superbe terrain de jeu. Autre brouillage que j’ai constaté : lorsque je suis en conscience corporelle, je peux me retrouver touché par la beauté ou la singularité du moment (une vue de quelque chose, une ambiance, etc.) mais au lieu de laisser cette émotion se vivre simplement, très rapidement le mental/intellect vient commenter inutilement (et donc polluer) cet instant. C’est comme si, lorsqu’on est dans la conscience corporelle, l’intervention inappropriée et hors contexte d’un des cerveaux, ouvrait la porte à son oubli.

Au retour d’une balade en nature, j’ai commencé à sentir des signes de faim/fatigue et là j’ai observé que ça avait tendance à générer de l’impatience, ou du dialogue interne qui me coupait de mon environnement. À l’aller je me sentais très en symbiose, et au retour, il m’a fallu un moment d’ajustement pour ne pas laisser l’inconfort du corps alimenter le centre émotionnel et accentuer la séparation. L’impression que j’ai eue, c’est que le corps envoie simplement un signal d’inconfort qui est plutôt de type informatif (faim, froid, fatigue…), et que ce signal est ensuite (mais vraiment très vite) déformé et interprété par le centre émotionnel comme un danger par exemple, alors que c’est complètement faux, ou même que cet inconfort sert de prétexte pour râler. En soi, ressentir un peu de faim ou un peu de fatigue, c’est une expérience comme une autre, ça ne nécessite pas une intervention particulière. Une autre chose que j’ai remarqué, c’est que le mauvais fonctionnement du centre émotionnel fait paraître les choses plus dramatiques. Une petite fatigue devient « je meurs de fatigue ».

Lors d’une démarche à la poste, j’ai eu affaire à la mauvaise foi de l’employée. J’ai essayé patiemment d’expliquer mais arrivé à un mur, je ne sais pas pourquoi je n’ai pas accueilli une dernière souffrance nécessaire. J’ai insisté, et j’ai ressenti en moi que le centre émotionnel réagissait. Grâce à la vigilance je me suis réveillé tout de suite, accueilli la souffrance nécessaire, écouté la réponse de l’employée, et je lui ai dit finalement au revoir. Je suis revenu une heure plus tard et obtenu ce que je voulais sans problème avec une autre employée.

Lorsque mon fils apprend un nouveau morceau de musique, ça lui arrive de perdre momentanément certains acquis sur les morceaux précédents. Donc il se désespère, et il peut très vite se laisser gagner par la frustration, l’impatience et la colère, ce qui augmente encore la crispation et le blocage. S’il s’acharne sur les anciens morceaux qu’il savait pourtant parfaitement et qu’il n’arrive plus à jouer, ça peut aller jusqu’aux pleurs. Avant que ça soit trop extrême, je le rassure en lui disant que c’est momentané, que ça fait partie du processus d’apprentissage, et je lui propose de faire pendant un moment autre chose (pour introduire un stop). Très souvent quand il reprend, non seulement il a retrouvé son aisance, mais aussi il a intégré quelque chose du nouveau morceau. Pour moi c’est un bon exemple de comment le centre émotionnel peut très vite polluer le centre instinctif (ou centre moteur ? je ne sais pas exactement à quel centre correspond le rythme et le doigté) avec aussi de la considération comme « je n’y arriverai plus jamais, blabla ». Par contre le stop amène un vide (dont il est question dans le texte sur les intervalles) et il me semble que c’est de ce vide, ou grâce à ce vide, que peut se faire l’apprentissage, ou une action « propre » ou « simple ».

Ce matin devant la machine à café, à 6 h 30 après une courte nuit et alors que je me sentais vraiment mal physiquement, je sens une émotion « j’en ai marre » qui monte.
Je sens que ça peut vite m’envahir et me faire renoncer à ce que j’ai à faire. Je laisse passer l’émotion en continuant à préparer mon café, sans exprimer ni réprimer, et je continue mon action. Plus tard dans la journée ma femme téléphone à une agence immobilière en France, pour prendre un rendez-vous de visite d’appartement à louer. La personne commence à lui poser des questions intrusives pour savoir pourquoi nous voulons rentrer en France, explique que l’appartement que nous avions vu est réservé pour les gens qui payent leurs impôts en France, etc. Là je sens l’énervement qui monte en moi, et le mental saute dans l’affaire : « tu veux rentrer et payer tes impôts chez eux mais tu ne peux pas si tu ne payes pas déjà, on est chez Kafka, et blablabla. » Bon, ce n’est pas tout à fait faux, mais clairement le mental avait pris une place qui n’était pas la sienne. J’ai vu ça très vite et j’ai laissé tomber.

Je constate depuis qu’on en a parlé que le brouillage des 3 centres intervient aussi au niveau de l’alimentation. Comme l’avait dit w. lorsque le centre instinctif suscite le sentiment de faim, le simple fait d’attendre un peu fait disparaître cette sensation. En revanche, le fait de focaliser sur cette faim et d’avoir à disposition de quoi y répondre relève ensuite de l’émotionnel qui recherche à tout prix le plaisir de manger. Dans mon cas je peux même me retrouver avec une sensation de satiété, en fin de repas, et vouloir continuer à grignoter des aliments sucrés simplement pour répondre à une pulsion clairement émotionnelle. Je le constate dès la première bouchée : il apparaît un plaisir qui n’est pas physique, car au niveau physique je suis repu ! Et si je ne cède pas à cette pulsion, alors une frustration apparaît.

Hier, en accompagnant mes petits enfants à l’école, je vois inscrit à la main sur une poubelle, en écriture cursive pas très lisible : « Il faut éliminer les gens capables d’être heureux. » Choc émotionnel, je passe très vite. Puis le cerveau intellectuel s’empare de la chose, et commence à cogiter sur les racines de la haine, l’état du monde, etc., etc. Au retour de l’école, sans les petits enfants, je sens l’envie d’éviter la poubelle (souffrance nécessaire) je ne la suis pas, et en passant plus lentement, je lis : « il faut admirer les gens capables d’être heureux » ! L’erreur de perception était sans doute due au cerveau émotionnel qui avait flambé tout de suite, et fait embrayer le cerveau intellectuel.

Ma belle-fille de 18ans, danseuse, est à la maison depuis 1 mois et demi car elle a mal au dos. Son physique a pollué son émotionnel, et elle n’a « plus le moral ». Du coup elle ne fait plus rien, va se coucher à 3h du matin après avoir regardé des vidéos, il faut presque se fâcher pour l’obliger à continuer une vie « normale » et participer à la maison en attendant les résultats des études médicales (IRM bientôt). Le fait de ne pas avoir « le moral » à cause du temps, des ennuis de santé, du terrorisme, etc. est clairement érigé en fait reconnu par la société.

Mon jeune collègue m’a raconté qu’il a pris l’avion samedi matin mais qu’à l’atterrissage à Lyon, le temps était tellement mauvais qu’il leur a fallu trois tentatives. Les passagers ont été très secoués avec des trous d’air et nombreux étaient malades et ont vomi. Mon collègue a fait un malaise. Il semble que l’inconfort du centre instinctif/physique se soit transformé en « coupure » du centre émotionnel qui ne supportait plus et intellectuel par la même occasion. Par la suite, il ne savait plus très bien où il était et du coup, il a égaré sa carte d’identité. Conséquences, impossible pour lui de reprendre l’avion pour Toulouse et de prendre son vol pour Paris où il devait se rendre pour un congrès. Il est donc monté en train !

J’ai eu beaucoup de problèmes ces temps-ci, et entre autres, une petite coupure sur mon doigt s’est transformée en infection osseuse qui a demandé 5 jours d’hospitalisation.
Il a été très important de ne pas permettre à la douleur physique d’interférer avec le cerveau émotionnel. J’ai remarqué qu’une fois que je résistais pendant assez longtemps à l’urgence de créer des émotions autour de la douleur, cela était beaucoup plus facile. Je dois encore être vigilant. L’infection osseuse dans mon doigt m’a obligé à rester à l’hôpital pendant cinq jours. C’était le plus difficile : j’avais un compagnon de chambre qui avait une toux grave. Les médecins ne savaient pas ce que c’était, donc j’étais préoccupé, je ne voulais pas être exposé (instinct de survie du cerveau ?) J’étais contrarié qu’ils l’aient mis dans ma chambre alors qu’il existait une possibilité qu’il me contamine (cerveau émotionnel). C’était là où je me sentais coincé et n’étais pas clair. Question : comment laisser une réaction émotionnelle « être » quand la colère par exemple, est la réaction appropriée ? Ce que je veux dire, c’est que je me suis identifié à la colère parce que mon cerveau intellectuel pensait que les raisons de la colère étaient justifiées. Je suis sorti de la chambre et je me suis assis pour essayer de clarifier mes cerveaux. J’essayais d’accepter la souffrance nécessaire, mais je pensais : ce n’est pas une souffrance nécessaire. Je n’ai pas besoin d’être dans cette pièce parce que je peux déménager dans d’autres chambres vides. L’infirmière a vu que j’étais contrarié et a demandé ce qui n’allait pas. J’ai expliqué que le tousseur me rendait fou, et ils m’ont déplacé dans une chambre individuelle. Il s’est avéré que cela a tourné en ma faveur, mais il y avait beaucoup de solutions possibles pour ne pas être coincé émotionnellement.

Il y a peu d’exemples dans nos partages de la pollution du centre émotionnel par le centre intellectuel, j’ai entendu par hasard un poème qui en parle bien (ici on peut dire que c’est une hyper-pollution). Texte Ni du Tchad :

Le suffisant

Son œil disait qu’il était directeur
sa parole fusillait ou assommait
c’est selon.
La tendresse il en avait fait
le deuil tant il s’était habitué
à sabrer, dicter, rabrouer
sa jouissance quelle misère !
Il voulait qu’on l’aime,
il s’y prenait très mal,
le métier d’intelligence
étouffait en lui l’émotion,
cette émotion
sans aplomb
sans armure.
Son humour était savant
autant dire inaudible
son verbe était cassant
autant dire inhabité.
Cet intelligent-là
n’avait pas compris,
que la faiblesse est désirable
et que l’amour conquiert le conquérant.

Je peux partager une expérience de pollution du centre émotionnel par le centre intellectuel. La semaine dernière, je rentrais de tournée et j’allais retrouver mes deux collègues qui trouvent toujours quelque chose à me reprocher. J’ai observé le centre intellectuel qui commençait à pester et à s’exciter lui-même contre cet état de fait. L’émotion est alors montée et j’accusais un petit désespoir en arrivant, bien que je sois resté en même temps en conscience corporelle.

Si j’ai bien compris, lorsqu’il y a une perception, les différents cerveaux organisent les données perçues et les analysent et donnent une signification adaptée à leur fonction et leur vitesse ?

Idéalement c’est le cas mais ça peut se produire seulement quand on est capable de maintenir la conscience corporelle dans des circonstances difficiles et potentiellement perturbantes. Cela requiert :
1. Accueillir la souffrance nécessaire chaque fois qu’une situation l’exige.
2. Transformer les émotions désagréables (pas réprimer, pas exprimer) dans une situation qui a le potentiel de te mettre en colère.
La conscience corporelle inclut la perception simultanée des 3 cerveaux.

Est-ce que, vu la vitesse de l’opération, le cerveau émotionnel influence toujours les autres cerveaux ?

Non.

Dans le passé j’ai observé que lorsque je suis dans un état émotionnel aigu, beaucoup de parties de mon cerveau intellectuel ne sont pas accessibles. Comment ça s’explique ?

Il y a de l’identification et/ou absence de conscience corporelle.

Il y a clairement une force qui vient du corps (donc je suppose liée au cerveau physique/instinctif), qui donne une puissance pour accomplir ce qui doit être accompli. Cette puissance peut facilement être stoppée si l’émotionnel ou l’intellectuel saute là-dedans comme « je suis crevé, je peux me reposer et me dorloter un peu » ou « si je fais ça je serais encore plus fatigué, et blabla et blabla… ». Mais si on ne les laisse pas tout embrouiller, alors on peut avoir la surprise de faire les choses jusqu’au bout. Donc : ça vient du cerveau physique/instinctif, et ça peut être facilement stoppé par l’interférence des autres. Et on ne peut pas décider que ça vient. Cela vient quand ça vient. Dire que ça vient au bon moment est déjà trop en dire. Être conscient de ça est très précieux pour moi.

Dans quel cerveau se situe la force de volonté ?

Dans le cerveau instinctif. Une force de volonté complètement différente surgit quand il n’y a plus d’interférences entre les 3 cerveaux. Cette Force de Volonté est différente de la force de volonté du cerveau instinctif dans le sens qu’elle est capable de prendre en considération toutes les données qu’une situation exige. La force de volonté instinctive est focalisée tandis que la Force de Volonté est globale. Elle émane de ce qu’on peut appeler « le Moi unifié ». Aucun autre « moi » ne peut interférer dans ou déjouer les décisions et les actions prises par le Moi unifié. Par exemple ceux qui ont décidé de nous joindre et qui après sont partis n’ont pas pris la décision avec un Moi unifié (ou ils avaient d’autres raisons de joindre notre groupe que d’arriver au bout d’eux-mêmes). Il y avait quelques « moi » qui ont pris cette décision mais elle n’avait pas été prise par le Moi unifié, sinon ça aurait été impossible de rompre. L’engagement (peu importe si c’est pour quelque chose de petit/insignifiant ou existentiel) pris par un Moi unifié est comme un vœu sacré, et il permet de surmonter les obstacles et intervalles les plus difficiles.

Merci ! ! Ceci éclaire pas mal ce que je sentais et que je n’arrivais pas à dire. C’était clair pour moi qu’il y avait quelque chose d’autre que l’instinctif, quelque chose comme « au-dessus ». Je le sens comme une grande main qui me prend et me fait bouger comme un robot même si je pensais que c’était impossible (car trop fatigué par exemple). Ce qui se passe c’est que « les gens » gaspillent beaucoup d’énergie (et n’ont pas accès à cette Force de Volonté) avec le mélange des cerveaux. Ils pensent qu’ils doivent avoir une sorte de « break », Ce qui en réalité veut dire « j’ai besoin d’un petit plaisir pour éviter la souffrance nécessaire ». Si alors je propose de faire quelque chose de différent, pour avoir en fait un break sur la tâche précédente, ils ne peuvent pas l’accepter. La plupart du temps je m’adapte car je considère que je n’ai pas à toucher à cette limitation. Conclusion : maintenant je vois la vie comme une action continue. Je veux dire : il n’y a rien d’autre que « faire des choses ». et ce « faire » vient du rien. Parfois il y a seulement : dormir.
Peut-être qu’en fait, être un robot de la vie c’est la seule chose réelle à être.