Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

L’amour et les relations intimes

Quelle est la différence entre l’amour véritable et le faux amour en ce qui concerne les relations intimes ? Plus précisément, qu’est-ce que c’est que d’être authentiquement amoureux d’une autre personne ?

Je ressens le véritable amour comme quelque chose de l’ordre du destin, quelque chose qui unit deux personnes, quelque chose qui les dépasse pour s’accomplir et pour que l’une l’autre s’accomplissent ; comme une œuvre et une célébration de la vie, une relation où on donne sans attendre de recevoir et où on accepte ce qui est donné à travers l’autre. Sa durée est indéfinie car l’amour est un oiseau libre qu’on ne peut pas retenir contre son gré, il vient et part quand il veut. Lorsqu’on est dans le faux amour, il me semble qu’on le sent (voir la rubrique « attentes, peurs, besoins de combler un vide en nous, etc. ») Être authentiquement « amoureux » d’une autre personne, pour moi c’est un sentiment pur dépourvu d’intérêt personnel.

Le véritable amour est pour moi l’amour sans attachement, sans dépendance, sans attente. Être amoureux peut se définir comme étant relié, connecté à la valeur d’être de l’autre.

Pour moi, l’amour véritable, c’est laisser l’autre libre d’être ce qu’il est. Le faux amour est de vouloir « le créer à son image », de vouloir en faire un clone de soi, ou de ce que l’on croit être bon pour soi. L’amour véritable se cache quelquefois sous une grande dureté apparente, une dureté qui libère. Pour être authentiquement « in love » avec l’autre, il faut d’abord être authentiquement « in love » avec soi-même.

Le véritable amour est dénué de tout attachement, toute exigence, toute attente ; il permet à l’autre de vivre selon ce qu’il sent comme sa destinée intime, ultime ; il ne cherche pas une satisfaction personnelle : il est plutôt bienveillance, attention portée à l’autre sans nier sa vérité. Je pense à Jonathan Livingstone le goéland (Richard Bach) dont le destin était de voler non pas pour piquer du bec et déplier les ailes pour pêcher et se nourrir, mais de voler pour briser ses chaînes, s’accomplir : le véritable amour est aussi celui que l’on s’accorde pour s’accomplir. Les parents de Jonathan étaient inquiets, car au-delà des apprentissages essentiels à l’éducation de tout goéland, il trahissait les lois des goélands, le tracé des conventions. Authentiquement amoureux d’une autre personne, je ne sais pas vraiment ce que ça signifie ; relation équilibrée et épanouissante pour les deux, oui. Je pense que le faux amour est ressenti comme oppresseur.

L’amour véritable est impersonnel, sans objet. Issu du néant il coule tel une fontaine, inépuisable, sans attente. Dans le partage conscient avec un autre être humain, et selon l’affinité de nos corps sexués, le rapprochement sera plus ou moins décrit comme « intime », mais toujours baigné d’amour. L’amour véritable est impersonnel et sans objet. « Aimer » un autre être humain est un abus de langage.

Le vrai amour dans le cadre d’une relation intime, c’est reconnaître profondément en soi la personne vers qui cet amour s’exprime. Sans rien y comprendre. Sans vouloir la posséder, ni la changer. C’est accepter de vivre cette relation dans le cadre de l’inconnu, du vivant, du mouvant, de l’éphémère. Tout en percevant-ressentant l’éternité en arrière-plan de cet éphémère, qui nous relie l’un l’autre. C’est un « oui » émouvant, doux ou bouleversant au vivant à travers elle. Dans les faits, c’est prendre soin de l’autre, mais pas forcément dans le confort. C’est célébrer le vivant à travers lui et lui rendre grâce de l’incarner, pour le temps qui lui est donné. Le véritable amour au sein d’une relation intime est la reconnaissance de la liberté, en moi, en l’autre. Le faux amour est recherche de sécurité. Ou de plaisir. Ou de domination, ou de reconnaissance, ou de… C’est la célébration du « moi ! », « moi ! », « moi ! », pratiqué sur l’autel de « l’autre ».

L’amour véritable n’autorise aucun compromis, le cœur est la boussole à suivre, sans se préoccuper que ce soit confortable ou non. L’amour véritable ne fait pas de promesse, ni ne donne de garantie, et pourtant c’est un roc sur lequel peut se construire une relation authentique. L’amour véritable est célébration, et cette célébration prend des expressions bien différentes selon le contexte où elle s’exprime. Surgi du néant, son feu ardent brûle les imaginaires puants de l’intérêt personnel.

C’est cette vibration qui reste quand on a enlevé l’idéalisation, les attentes, exigences, intérêt personnel, etc. Et l’étonnement de pouvoir se sentir à la fois si intimement proches et si étranges l’un pour l’autre.

Le véritable amour dans les relations intimes est l’essence qui crée le monde. Un exemple de faux amour serait d’essayer d’être toujours gentil, ou pire encore, laisser l’autre prendre le contrôle de ses propres actions. Le véritable amour est comme le jeu des enfants. Le faux amour est comme le jeu des adultes, c’est-à-dire avec des significations et des intentions derrière chaque action et réaction. Sans attachement versus attaché. Innocent versus faire l’innocent.

J’utiliserai une métaphore. En sport (golf, tennis, karaté, etc..), beaucoup de personnes se contractent parce qu’elles ont alors l’impression de ressentir de la force. En réalité, la puissance maximum est atteinte quand on est dans la relaxation totale. Mais alors, on ne ressent plus la force, c’est l’adversaire qui va la ressentir. Pour moi, c’est la même chose avec l’amour. Beaucoup recherchent une émotion forte et confondent d’ailleurs « être amoureux » et être dans l’amour (avoir de l’amour n’a pas de sens). En réalité, quand on laisse l’amour nous traverser, il n’y a pas forcément un ressenti associé. Enfin, j’ajoute que c’est la même chose de « vivre l’amour avec le grand tout » ou de vivre l’amour avec une personne en particulier, sauf que dans ce dernier cas, il peut y avoir une affinité, une danse des valeurs de base qui prend forme dans un projet commun.

L’amour authentique se vit sans doute, il nous traverse avec ce que l’on est et ce que l’autre est. Il n’y a pas de stratégie à mettre en place pour être authentiquement amoureux d’une autre personne, ça se vit au-delà de toute volonté personnelle.

Selon Dr. Stephen Wolinsky, il existe différents types de compatibilité : externe, intellectuelle, émotionnelle, biologique, essentielle, spirituelle. Plus il y a de niveaux communs, plus grandes sont les chances de succès dans la relation. L’amour se trouve au niveau essentiel, émotionnel et biologique. Biologiquement, cela fait référence à la chimie et à la passion physique dans le couple. Wolinsky dit que nous cherchons une « fusion » avec un partenaire, et c’est au niveau biologique que cela se passe.
Sur le plan émotionnel, la chaleur et les sentiments d’intimité se manifestent après la compatibilité biologique. Cependant, l’accumulation d’erreurs dues au mauvais fonctionnement du centre émotionnel peut créer des ressentiments qui vont altérer le lien biologique et vont créer un fossé entre les partenaires.
Au niveau essentiel, l’amour est ressenti comme une résonance des cœurs.

Pour moi, cela signifie que l’amour authentique dans une relation intime se trouve quand il y a (au moins) compatibilité biologique, émotionnelle et essentielle. ET lorsque la relation est naturellement orientée autour de l’expression de la valeur de base.

Si la valeur de base n’est pas présente, alors ce ne sont que deux identités qui se soutiennent mutuellement (faux amour).

Le véritable amour est celui qui se vit dans l’instant et par concordances pré-sensorielles (hormones, « aura »…), hors des attentes, des désirs et des projections , dans l’expression de l’humilité. J’ai posé la question à une amie au fil d’une discussion et elle m’a fait cette superbe réponse : « Le faux amour serait de vouloir atteindre un idéal : ne regarder chez l’autre que ce qui s’en rapproche et rejeter ce qui s’en éloigne. Le vrai amour : se réjouir que l’autre soit tel qu’il est quoiqu’il arrive par la suite ».