Ce matin dès le réveil, je me suis traitée de « bonne à rien ». Je n’étais pas dans l’accueil de la souffrance nécessaire, au contraire j’en rajoutais même un peu. C’est rare maintenant que je me dise ça. Hier par contre, je me suis sentie bien.
Ça arrive quand on s’attache au bien-être. Le problème n’est pas ton bien-être, mais le désir que ça continue ainsi. Tu as certainement eu cette pensée : « si tous les jours, ça pouvait être comme ça !». Et alors là, c’est fini.
Donc je vous conseille à tous, chaque matin dès le réveil, de tout remettre à zéro. Et d’observer, parce que tous les jours c’est différent : est-ce que je continue à avoir des cauchemars pendant que je me brosse les dents ? Est-ce que je marche normalement ? Est-ce que je suis dans mon corps ? Tout se remet en place plus ou moins difficilement, et il est vraiment nécessaire de découvrir chaque matin comment se passe ce réassemblage : peut-être qu’il manque un peu d’huile ici, ou que c’est un peu rouillé, là. Et si on se programme d’une façon ou d’une autre pour que cette nouvelle journée soit la suite de la veille, alors c’est fichu.
C’est vraiment une bonne chose que tu préconises, parce que je constate que chaque jour je compare : est-ce que je suis en bonne santé ? Est-ce que mes relations sociales sont bonnes ? Sinon, qu’est-ce que j’ai raté, pourquoi aujourd’hui c’est moins bien qu’hier ?
Et les envies, les élans sont parfois totalement différents. Ça peut par hasard être le même élan aujourd’hui que hier. Mais ça peut aussi être tout le contraire : aujourd’hui pas d’élan, ça rame. Tout ça est à observer simplement, et à accueillir.
Ça me fait penser aux lunes de miel catastrophiques dont la littérature est pleine.
Oui, c’est vraiment contraire au mouvement. Ça veut rendre statique quelque chose qui ne l’est pas.
J’aimerais qu’on parle des habitudes.
(s’adressant à W.) C’est intéressant que tu évoques ce sujet, parce que j’avais parfois remarqué chez toi des petites routines. Et la notion de routine m’avait interpellé. En y réfléchissant, je me suis rendu compte que les habitudes en tant que telles ne sont pas un problème, mais c’est l’attachement aux habitudes qui en est un. À partir du moment où on n’y est pas attaché, l’habitude peut nous aider et nous faire gagner du temps. C’est quand même plus facile si je mets toujours mes clés au même endroit.
Oui, s’il n’y a pas d’attachement émotionnel, c’est ok.
Quand je me lève, je fais un certain nombre de choses dans le même ordre chaque matin, est-ce que c’est de la routine ? Pour moi c’est juste fonctionnel.
Je ne vois pas comment on pourrait avoir une routine en se levant, et en même temps faire cette remise à zéro dont on parlait. Pour moi, faire cette remise à zéro, ça veut dire être ouvert à tout ce qui est là, à tout ce qui peut se passer. C’est opposé à l’idée d’avoir un plan préétabli, une routine. Si je regarde après coup, je peux constater qu’il y a un certain nombre de choses qui se sont produites dans le même ordre. On pourrait croire que c’est une routine, mais je l’ai fait dans cet ordre-là sans que ce soit prévu.
Le matin au réveil, si vous observez de près, il s’agit vraiment d’un gros réassemblage. Lorsque je me réveille, parfois je m’aperçois qu’il manque une pièce ici ou là ! Certains jours la partie intellectuelle est fonctionnelle, ou alors c’est le corps. D’autres jours c’est le brouillard et ce n’est vraiment pas le moment d’aller voir mes mails. Et parfois il y a un élan, il faut que j’aille voir mes mails !
Est-ce que c’est le moment où tu réassembles aussi ton histoire personnelle ?
Oui, c’est tout à fait ça.
Parfois au réveil je ne sais plus rien, ni où je suis, ni qui je suis, et je peux rester un moment sans le savoir, ce n’est pas immédiat.
Pour moi la question n’est pas forcément « où je suis, qui je suis », c’est plutôt de me rassembler. Je peux les voir, les morceaux. Rassembler les morceaux, ce n’est pas forcément naturel ni immédiat, surtout si on sort d’un sommeil très profond.
Oui. Ce serait bien pour chacun ici de repartir complètement à zéro tous les matins et tous les après-midi après la sieste. C’est vraiment extraordinaire, comme ça peut être différent chaque jour.
Comment est-ce que tu intègres la contrainte des engagements que tu as pris la veille ? En ce qui me concerne, si je me remets chaque matin à zéro, je ne vais peut-être pas me lever pour venir au petit-déjeuner à 7 heures.
C’est vrai et je fais quand même le nécessaire pour y être. Par contre, je ne sais pas si je vais manger ou pas, par exemple.
Ça signifie que dans le reset, tu intègres ton agenda, ou certaines informations qui viennent de la veille : ça fait partie des données à réinitialiser.
Ce sont des données existantes, des impératifs. S’il y a un impératif à 7 heures, je le prends bien sûr en compte, mais tout le reste est remis à zéro.
Tout à l’heure, j’ai fait une sieste. A. est venue me réveiller un quart d’heure avant la réunion. Je me suis levée d’un bond, mais je n’étais pas rassemblée au début de la réunion, il m’a fallu un bon moment avant que ça soit le cas. J’étais présente, mais la présence n’implique pas forcément d’être rassemblée.
Ça c’est important. Cela n’affecte pas la conscience corporelle. La conscience corporelle est là immédiatement après le réveil. Donc L. est venue ici à moitié assemblée, mais avec la conscience corporelle.
Parfois R. ça lui prend une semaine avant de se rassembler. (s’adressant à R.) À quel pourcentage es-tu rassemblé, actuellement ?
Peut-être à quatre-vingt pour cent, mais ça suffit !
(Rires)