Comment sais-tu que tu es en accord avec toi-même ?
Comment sais-tu que tu ne l’es pas ?
Quand je suis en accord avec moi-même il n’y a pas de doute, pas de traces, je ne reviens pas sur ma décision. Je ressens de la légèreté et je fais ce qu’il y a à faire sans procrastination.
Je sais que je ne suis pas en accord avec moi-même si des questions reviennent, et surtout si je sens une sorte d’odeur désagréable, ce qui me pousse à aller voir en moi ce qui cloche. Cela peut me prendre un certain temps, mais si je vais profondément en moi avec sincérité, sans jugement, je finis par trouver. Ensuite, je peux valider que le feeling a changé et que j’ai retrouvé le bon accord avec moi-même.
Quand je suis en accord avec moi-même, à l’intérieur de moi c’est « champagne », une joie pétillante dans toutes mes cellules, pas forcément exubérante, le plus souvent une joie sereine. Il y a également une sorte d’évidence, je ne sais pas trop comment la décrire, mais c’est comme si j’étais juste plantée là dans la verticalité.
Désaccord: un mal-être diffus dans tout le corps quand je ne suis pas en accord avec moi-même, la sensation de quelque chose qui cloche, qui n’est pas à sa place. Je me sens un peu de guingois dans ces cas-là, en tous cas pas dans la verticalité. Je dirais que la différence de sensation entre les deux positions tient dans la netteté, un peu comme quand je mets et enlève mes lunettes.
« En accord » c’est comme lorsqu’on chante le chant du cœur. En accord, il y a ce feeling que c’est juste, une justesse des actions ou des paroles, entre autres. Ça vibre et ça résonne en harmonie à l’intérieur tout comme à l’extérieur, le corps est détendu, c’est le cœur qui est la boussole, et tout semble danser autour de cet axe, grandes ou petites choses de la vie quotidienne. Quand je dis « justesse » ou « en harmonie » cela n’a rien de moral ou d’esthétique, mais on reste dans l’analogie musicale.
En désaccord, le corps est crispé, je ressens comme une sorte de violence qui salit soi et l’autre. C’est une injure, presque un blasphème contre la vie, et effectivement, ça pue, ça utilise aussi beaucoup d’énergie. Donc si vraiment je n’ai pas repéré ce désaccord tout de suite, la fatigue (pleine de lourdeur, où je me sens assommée) est un bon indice.
C’est d’abord par l’absence de doute et de pensées parasites. Ça n’est pas forcément agréable ou joyeux, car ça peut correspondre à un moment de souffrance nécessaire. Dans ce cas, il y a quelque chose d’entier, une force et une verticalité qui se ressentent davantage. À d’autres moments, ça coule de source et les choses se font simplement.
Désaccord: par la présence du doute et l’impression que des parties de moi-même s’affrontent, chaque partie défendant son intérêt personnel. Par exemple, une partie veut dormir (confort physique) quand l’autre préfère rester à une soirée (désir de reconnaissance sociale, de plaisir). C’est de plus en plus rare, et en général il me faut alors un effort de vigilance et d’observation sincère de ce qui est « faux » pour résoudre le conflit intérieur.
La joie est l’indice pour moi. Joie et gratitude sans objet, les deux sont indissociables. Dans ce cas, souvent, tout coule avec naturel et se coordonne facilement. Mais parfois, si je rencontre de l’incompréhension ou de l’hostilité, il y a de la souffrance nécessaire, et la sensation est plutôt celle d’une zone stable, profonde, un genre de paix dans le ventre.
Si je ne suis pas en accord, c’est une sensation de dédoublement, d’enfermement, de malaise qui peut être noyé dans de l’agitation. Mais d’abord, je crois que c’est une crispation générale, comme si je me rétrécissais.
Sensation de plénitude. Tranquillité, calme, légèreté. Alignement. Devoir accompli. Joie.
Désaccord: Énervement. Stress. Quelque chose qui grince. Arythmie, comme une dissonance. Procrastination. Doute, auto-jugement. Négativité.
Les efforts sont naturels. Lucidité des pensées et sentiments. Les priorités sont claires. Sensation de gratitude. Calme.
Désaccord: Les efforts sont forcés. Confusion sur les doutes et les craintes. Les priorités sont en conflit. Impression de manque. Quelque chose ne va pas. Recherche.
Je sais que je suis en accord avec moi-même par la paix qui diffuse dans mon corps. J’aurais pu dire « détente existentielle » mais « paix » est le mot qui s’impose. Cette paix est exempte de toute peur et de toute notion de vie identitaire. La conscience corporelle est un pré-requis et un synonyme. On peut être en accord avec soi-même quel que soit le contexte, et cet accord peut, par voie de conséquence, modifier le contexte.
Désaccord: Par la sensation de contrainte/peur. Cette contrainte/peur est l’expression de l’identité qui refuse sa propre disparition pour laisser place au vrai moi.
Lorsque je suis en accord avec moi-même, je me sens alors pleinement VIVANT ! Il n’y a plus de doute. Je fais ce qu’il y a à faire avec un sentiment d’évidence, de fluidité qui accepte aussi les imprévus ou les obstacles pouvant apparaître en cours de route. Je me sens alors à ma place, engagé dans une « action juste » débarrassée de cogitations, en paix avec moi-même. Dans l’accueil de l’inconnu, je réalise alors que c’est ma valeur de base qui s’exprime.
Lorsque le doute s’installe, que je ressens en moi un conflit, la nécessité d’une justification, d’une excuse pour faire ou ne pas faire une chose. Je repère alors une tension sourde et continue qui persiste en « bruit de fond ». Dans ce cas-là, bien que je sois en vie, je ressens pourtant que je ne suis pas vivant : je suis comme un mort-vivant manipulé par mes peurs, mes lâchetés, mon attachement à mon confort personnel illusoire. La vie perd sa saveur, sa lumière, mais je refuse de le reconnaître et en accuse les autres ou bien la vie elle-même !
Par le ressenti : je me sens reliée, sereine, détendue, à l’écoute, disponible, dans l’amour, dans la plénitude, la paix intérieure. Je peux me sentir vulnérable, je peux avoir des certitudes, des intuitions ; ça me vient, ça s’impose à moi, et je suis en paix avec ça, même dans les situations ou décisions difficiles à prendre. J’accueille avec humilité.
Désaccord: une projection, un manque de confiance, je nie ma valeur d’être, ma nature profonde.
Je sais que je suis en accord avec moi même quand je suis disponible et ouvert aux choses et aux autres, lorsque les « réponses » jaillissent spontanément dans la présence à moi-même et la détente corporelle, quand il y a le goût d’une sorte d’évidence et de bon sens primaire, quand certains comportements ou la façon dont je m’exprime me surprennent moi-même.
Je sais que je n’y suis pas quand je suis dans l’effort de paraître, quand je perds le contact et qu’une séparation s’opère, alors une dissonance apparaît, ça ne résonne pas, je perds la reconnaissance de ce que je ressens comme vrai, la fluidité et l’entrain se tarissent, un conflit, une gêne et des tensions sourdent au fond de moi.
Le corps est fluide, léger, délié, tous sens ouverts.
Désaccord: clairement c’est mon corps qui m’avertit que quelque chose cloche par une sensation de crispation souvent située au niveau du ventre ; je mets en mots cette sensation , je la fais passer par le mental (ça peut être de constater que j’ai fait ou dit quelque chose par intérêt personnel, fait de la lecture de pensée).
Qu’est-ce qui fait qu’il y a des moments où tu es en accord avec toi-même et à d’autres moments tu ne l’es pas ?
Ce qui me met en accord : la grâce, l’ouverture à la découverte, la simplicité, la priorité à la conscience corporelle.
Ce qui me désaccorde : résister à la souffrance nécessaire, l’ennui, la colère, un sentiment de manque, la résistance à la douleur et aux malaises physiques, l’identification. Être trop dans mes pensées. Rêve éveillé. En fait, après avoir lu tout ce qui me désaccorde, je pourrais résumer tout ça en « attachement ». Toutes les choses que j’ai listées ne seraient pas un problème si ce n’est leur être attaché.
Lorsque je ne suis pas en accord avec moi-même, c’est un moment d’oubli. Oubli de la valeur de base, oubli de la conscience corporelle, manque d’attention et de vigilance. Même si je m’efforce de me rappeler, cela ne fonctionne pas toujours, souvent je constate mon impuissance à me rappeler. Donc je ne sais pas vraiment ce qui fait que parfois il y a oubli, et parfois rappel. La grâce ?
Les moments où je suis en accord avec moi-même se distinguent par une sorte d’acceptation paisible de ce que je suis simplement et de ce que les choses sont, plutôt que par une recherche à être mieux que cette simplicité ou que les choses soient différentes. Corporellement, par une présence à moi-même et à ce qui en émane spontanément.
En observant à rebours je constate que l’oubli est à l’origine de ce décrochage. L’oubli de ce que « je suis », de la conscience corporelle. Un peu comme s’il y avait une attention permanente (et même hors temps), qui lorsqu’elle « oublie » de se reconnaître elle-même, tombe dans l’ignorance de ce qu’elle est et se laisse emporter par le flots des pensées, de la discursivité, des émotions, en s’identifiant à elles, à tour de rôle. Puis il y a nos réunions, des rappels constants, l’engagement que chacun ici a pris avec lui-même, ce profond et intime « languir » de se retrouver, la patience de l’univers qui sans arrêt et implacablement nous place dans la situation nécessaire à ce retour sur soi, qui nous remet sur le juste axe, cette verticalité à partir de laquelle en se reconnaissant soi-même on se trouve en accord avec soi-même.
Par défaut, il y a accord. Un désaccord apparaît s’il y a un intérêt personnel non vu (manque de vigilance) ou un angle mort. J’ai du mal à retrouver un souvenir de la dernière fois où je n’étais pas en accord avec moi-même, mais je crois que c’est quand je suis sollicité et que ça va très vite, qu’il faut répondre à une ou plusieurs demandes immédiatement, sans avoir toutes les informations, ni le temps, ni le recul. À ce moment-là, je passe en mode mental et je perds la conscience corporelle. Et je me retrouve quelques minutes plus tard avec une impression d’être piégé et pas en accord avec moi-même. Ceci dit, ça devient exceptionnel aujourd’hui, car j’ai compris la racine (vouloir faire plaisir, peur de décevoir, peur de s’opposer). Paradoxalement, m’autoriser à être ouvertement en désaccord avec autrui me permet d’être en accord avec moi-même.
Je suis en accord avec moi-même, quand j’accomplis ma tâche sans attachement au résultat, dans le plaisir de l’action, pas à pas, sans me juger, sans crispation = je suis dans la conscience corporelle.
Je ne suis pas en accord avec moi-même quand je m’identifie, quand je m’attache au résultat, je me juge et je me crispe = je ne suis plus dans la conscience corporelle.
Le manque d’énergie, la fatigue, le sentiment d’impuissance, le manque de courage ou de vigilance peuvent favoriser de ne pas être en accord avec soi-même.
Après observation en moi-même, cela vient du doute introduit via le mental et les émotions par l’avis ou le conseil d’autrui, aussi bon soit-il mais qui ne me convient pas. Pour en sortir, le chemin est toujours le même, écarter l’autre momentanément et voir en moi avec moi-même. On peut dire aussi que cela vient de l’oubli, la perte de la conscience corporelle, sinon cela ne pourrait pas se produire.
Je dirais que ce qui empêche l’accord est une sorte d’impatience-paresse-négligence devant le Travail, et ce qui permet l’accord, le renouvellement conscient de l’engagement.
Je constate moi aussi que le mécanisme « manque de vigilance/doute/intérêt personnel » me fait facilement perdre l’accord avec moi-même et me fait sortir de la conscience corporelle.