Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Écoute et obéissance 2

Ce matin, L., M. et moi avons parlé d’un arbre à moitié mort. L. a évoqué l’idée de le couper, mais comme cet arbre est chez le voisin, j’ai dit qu’il ne fallait pas le couper, mais simplement enlever le lierre qui l’entrave. Et en fait M. est allé le couper. M. ça m’intéresserait de savoir ce que tu as entendu, pas entendu et pourquoi ?

Ce matin quand tu m’as parlé de l’arbre, je me suis tout de suite représenté l’orme à moitié mort que l’on avait évoqué avec A-M, celui qui poussait le long du poteau. Du coup j’ai eu cette image en premier dans ma tête et ça m’a bloqué, je suis sorti de la discussion. Après, en essayant de rattraper le fil, j’ai compris qu’il fallait le couper alors que seul le lierre devait être enlevé. C’est une représentation mentale qui est venue perturber, parce que j’avais en tête une image qui correspondait à autre chose.

Donc tu n’étais pas à l’écoute à ce moment-là.

J’ai perdu l’écoute pendant une fraction de seconde.

C’est ça, et ça t’arrive souvent.

Oui, ça m’arrive souvent.

Donc davantage de présence physique, davantage de conscience corporelle ; et maintenant que tu sais que tu peux avoir ce genre de parasitage, stoppe-le tout de suite et continue à suivre l’écoute avant tout.

J’aurais dû mettre un stop et demander d’aller vérifier sur place ?

Oui, mais le stop surtout à l’intérieur.

Je l’ai fait mais c’était trop tard, j’avais raté un bout de la discussion et du coup je suis parti sur mon idée.

Si c’est trop tard tu peux toujours reposer la question, comme tu viens de le dire.
Alors avant de commencer, assure-toi que c’est vraiment ce qu’il faut faire. Surtout maintenant que tu sais que tu as déjà vécu ce genre de parasitage.

Oui.

Hier, quelqu’un m’a fait remarquer que j’interrompais souvent l’autre par des « oui, oui d’accord », et j’ai pris conscience que ça me faisait rater des informations.

Oui, se mettre à l’écoute, c’est aussi laisser finir l’autre jusqu’au bout.

Je reviens sur ce qui s’est passé avec M. car j’ai détecté ce même manque d’écoute chez moi à certains moments. Comme je suis très visuel, les images vont beaucoup plus vite que les mots, et souvent, effectivement, l’autre commence à parler, et moi j’ai des images qui viennent d’où la tendance à couper ou à finir les phrases à sa place, donc il faut vraiment être vigilant pour bloquer ça et augmenter l’écoute. Je trouve que c’est intéressant d’observer le mécanisme ou la stratégie intérieure lorsque les images me polluent parce qu’elles vont trop vite.

Est-ce que cela a un rapport avec la capacité d’anticipation ou cela n’a rien à voir ?

On ne peut pas avoir la faculté d’anticipation quand on n’est pas à l’écoute et dans l’obéissance.

Il faut en même temps être à l’écoute, sans pour autant occulter cette capacité d’anticipation, c’est ce que tu veux dire ?

Non, il faut d’abord être capable d’être à l’écoute et de pouvoir obéir à ce que la vie te dit. C’est un prérequis pour la faculté d’anticipation, mais ça n’a rien à voir avec quelque chose de concret ici.

Si je peux reformuler, c’est plutôt que l’anticipation vient d’une écoute très globale.

Exact. Écoute et obéissance, sinon cette anticipation ne peut pas avoir lieu.

C’est une fausse anticipation alors, ce dont je parlais ?

Oui, ça ce sont des parasites.

Il me semble que c’est important de reformuler et de vérifier que l’autre a bien compris ce que je lui ai dit.

Oui, mais on ne peut pas le faire à chaque fois, ce n’est pas pratique.

J’ai remarqué que souvent lorsque je n’ai pas bien compris, j’ai un doute, un feeling que ce n’est pas clair. Dans ce cas ça vaut la peine de vérifier.

Si tu as un doute, oui bien sûr, mais pas systématiquement. C’est surtout aux gens d’apprendre à écouter et à ceux qui parlent de surveiller que l’autre a bien écouté.

Ce que j’ai observé chez moi, quand il y a des discussions, du blabla, c’est qu’il y a un « switch » qui se fait. Tout de suite, ça bascule dans une non-écoute totale, mais c’est vraiment un mécanisme de survie pour moi ; j’ai tellement d’informations en même temps que je n’arrive pas à les traiter.

Je comprends tout à fait ce que tu dis, mais est-ce que c’est clair pour toi que tu peux reconnaître qu’il y a du blabla, éventuellement inutile, que tu peux éventuellement prendre des mesures pour te protéger de ce blabla, et en même temps rester dans la non-séparation ? Est-ce que c’est clair pour toi, ça ? Je te pose la question parce que j’ai l’impression d’entendre un jugement, et d’entendre une séparation en toi quand tu évoques ça.

Oui, et je le formulerais autrement : accueillir la souffrance nécessaire que ça te procure à ce moment-là.

Le blabla, ça peut être plusieurs personnes qui parlent en même temps et ça devient confus, ou bien lorsque la discussion dérive et part dans toutes les directions. Lorsque ça arrive, on peut tout à fait recadrer les personnes qui se mettent à raconter leurs histoires, pour ramener à « c’est quoi le message, c’est quoi l’info ? », on peut questionner l’autre là-dessus.

Ce qu’il dit ne peut fonctionner que quand on a d’abord accueilli la souffrance nécessaire, sinon on rajoute du blabla au blabla. Si on essaie en étant séparé, ça ne peut pas marcher. La priorité est d’accueillir l’inconfort que ça te procure.

J’ai commencé ce matin à accueillir une souffrance nécessaire par rapport à l’obéissance, le sujet dont on a parlé hier. Je suis resté en conscience corporelle, dans l’obéissance, sans essayer à chaque fois de chercher des petits trucs pour m’esquiver, et j’ai remarqué que j’étais plus tranquille avec moi-même et aussi dans la relation avec les autres.

Je peux te dire que depuis le début de la semaine il y a une progression dans ta capacité à faire, dans la relation, dans l’absence ou la diminution de réactivité. Vu de l’extérieur c’est très net.

Petit à petit avec la conscience corporelle qui augmente, il y a des choses qui se valident, qui deviennent plus faciles à faire, qui s’inscrivent dans le vécu, qui deviennent naturelles. Et c’est une vigilance de chaque instant qui doit être renouvelée constamment, avec l’accueil de la souffrance nécessaire en plus.

Et toi S., as-tu quelque chose à ajouter ?

Oui, sur une facette de l’écoute et de l’obéissance qu’on n’a pas encore abordé. On parle souvent de l’écoute de l’autre, mais il y a aussi l’écoute en soi-même des élans qui nous traversent et auxquels parfois on ne va pas obéir par confort, par sécurité, et cette écoute-là est tout aussi importante.

Et pour moi quand on parle de l’anticipation, c’est exactement ça, il faut d’abord avoir cette écoute complète et globale pour que cette faculté puisse s’exprimer.

Cela permet la distinction entre les élans qui viennent de la personnalité, toujours à la recherche d’un objectif bien précis, et ce qui surgit spontanément, ce que la vie nous dicte, d’une certaine façon.