Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Derrière les coulisses

LA CROYANCE DE BASE

Question :
Comment est-ce que je peux prendre conscience de ma croyance de base ?

Réponse :
Tant qu’on ne s’est pas durablement installé dans la perception pré-sensorielle, la croyance de base agit en permanence de façon sous-jacente. Elle me fait miroiter l’impression d’exister comme une entité qui est née un jour et qui va mourir un autre jour. Quand j’agis et quand je pense, je le fais toujours avec l’idée en arrière-plan que je suis muni d’une identité qui se distingue de tout ce que je perçois : moi/identité percevant l’autre et ce qui m’entoure. La croyance de base, en tant que structurant principal de l’identité, agit comme un filtre qui se met entre la perception pré-sensorielle et la perception sensorielle. Partons de la présupposition que cette manière de percevoir sensoriellement la séparation entre le percevant et le perçu n’est pas la seule possible. Si je m’engage à vouloir découvrir une façon de percevoir qui n’engendre plus la séparation, il me faut d’abord prendre conscience comment mon mental crée cette séparation. Pour cela il est indispensable que je m’examine le plus souvent possible, notamment dans les situations conflictuelles ou émotionnellement difficiles : Comment est-ce que je réagis quand je me rends compte que je me suis fait avoir ? Quand je me rends compte que quelqu’un d’autre m’agresse ? Quand il y a plus qu’un seul contretemps dans la journée ? Quand j’entends qu’un proche vient de mourir ou tombe gravement malade ? Quand je m’aperçois un jour que mon partenaire me trompe avec quelqu’un d’autre depuis trois ans ? Quelles sont les peurs, les appréhensions que je refoule pour éviter de les sentir ? Cette observation de mes réactions émotionnelles met petit à petit en évidence un malaise perpétuel sous-jacent, le malaise de tous les malaises émanant de la croyance de base. Prendre conscience de la croyance de base veut dire : aller vers ce malaise quand il apparaît et le mettre à jour sans s’apitoyer, au lieu de vouloir l’éviter.

Question :
Ce n’est pas le bonheur.

Réponse :
Effectivement. Ce genre de travail sur soi n’a de sens que quand il est intégré dans une quête de l’absolu. La quête du bonheur n’est pas du même niveau logique que la quête de l’absolu ; chercher le bonheur est une des caractéristiques de l’identité « en quête »… de fuir le désagrément. Se confronter avec sa croyance de base n’est pas une rencontre avec un malheur temporaire, mais avec le malheur de la séparation. Tant qu’il y a quête du bonheur, nous nous privons des merveilles de la vie de chaque instant.

Question :
Quel est le lien entre la croyance de base et les contrariétés auxquelles nous sommes confrontés ?

Réponse :
C’est la croyance de base qui est à l’origine de tous les jugements. Elle est le constituant central de notre identité séparatrice. L’identité se développe en se démarquant des jugements et des opinions d’autrui et en s’affirmant dans ses propres avis et convictions. Le mot « contrariété » tel qu’il est utilisé habituellement décrit des états internes ou des événements jugés contrariants.

Question :
Est-ce que les contrariétés cessent quand j’arrive à ne plus juger mes états internes, ni les événements rencontrés ?

Réponse :
Ne pas juger me contraint à ce que je m’assume, à ce que j’assume la vie qui m’a été donnée, ainsi que les situations que je rencontre. Le jugement tente de valider, de ratifier et de maintenir ; l’absence de jugement constate en demeurant à l’écart.

Question :
Que deviennent les joies de la vie et les agréments quand je cesse de les juger ?

Réponse :
On ne les cherche plus. Tant que la croyance de base agit, nous sommes contraints de chercher des agréments pour compenser et refouler les désagréments produits par notre propre jugement.

Question :
Quand je cesse de juger, comment puis-je savoir ce qui est bon pour moi et pour ma famille ?

Réponse :
L’acte mental du jugement et l’acte mental de l’évaluation ne sont pas du même niveau logique. Dans la vie fonctionnelle nous évaluons régulièrement les différents aspects d’une situation pour pouvoir prendre ensuite des décisions que nous « jugeons » les plus adaptées au contexte : nous « jugeons » dans le sens d’une évaluation critérielle. Agir de cette façon relève du bon sens. Un jugement – dans le sens que j’ai donné à ce mot tout-à-l’heure – est une opinion figée, pétrifiée, un verdict affirmatif sur moi-même, sur quelqu’un d’autre, sur une situation ou sur une partie de ceux-ci. Il suscite : « C’est vrai, donc il s’ensuit… » (accompagné de l’attitude mentale : « Je crois que mes pensées sont réelles. ») Une évaluation est plus prudente : « Si c’est vrai, il s’ensuivrait… » (l’attitude mentale : « J’ai des pensées, et je m’en sers. ») Un jugement est un entérinement par lequel je m’emprisonne, contrairement à une évaluation qui garde en elle un caractère hypothétique et qui est nécessaire à l’organisation de la vie de tous les jours.

Question :
J’ai l’impression que j’entretiens ma croyance de base en émettant des jugements.

Réponse :
C’est un travail sur soi de longue haleine de prendre conscience de toutes les ramifications de la croyance de base parce que la plupart des jugements se situent au niveau inconscient.

Question :
J’ai l’impression que j’émets des jugements plus facilement quand je suis contrarié.

Réponse :
Qu’est-ce qui est contrarié ? Pense à une contrariété que tu as vécue récemment.

Question :
Moi contre l’autre, moi contre les circonstances.

Réponse :
Denis prend le métro chaque matin pour aller au travail. La plupart du temps il est obligé de rester debout, les places assises sont déjà prises. Un matin, Denis est en train de songer à un rêve qu’il a fait la nuit ; un type le bouscule violemment par derrière. Denis sent son taux d’adrénaline monter. « Il est complètement fou, ce type ! » En se retournant, Denis s’aperçoit qu’il s’agit d’un non-voyant.

Question :
Comment les pensées représentent-elles la croyance de base ?

Réponse :
A chacun de trouver ses propres représentations. Quand nous ralentissons nos pensées, elles deviennent des représentations visuelles, auditives et kinesthésiques. Au niveau visuel la croyance de base peut apparaître en images cauchemardesques ; au niveau auditif elle apparaît le plus souvent en dialogue interne par des reproches verbaux ; au niveau kinesthésique elle prend la forme d’un ressenti désagréable qui ressemble un peu à ce qu’on appelle « mauvaise conscience ». Il ne faut surtout pas confondre ceci avec le sentiment de culpabilité, qui est caractérisé par un refus d’assumer en soi-même les répercussions de l’événement ou de la personne qui le déclenche. Parmi les représentations principales de la croyance de base nous trouvons les jugements que nous portons sur ce qui nous arrive. Au plus profond de nous-mêmes nous la représentons par un sentiment kinesthésique particulièrement désagréable : « Je suis nul » ou « Je ne vaux rien » ou « Je ne suis pas aimé » ou « Je suis abandonné ». Ces expressions renvoient à une dimension au-delà des états internes déplaisants ; elles font miroiter la réalité psychique cachée qui est présente dans la vie de tous, et qui est indépendante du degré de la réussite sociale.

Question :
Quand je rencontre ma croyance de base, je me sens isolé de tout. Est-ce que ce sentiment de solitude est réel ou fictif ?

Réponse :
Toutes les traditions proposent des exercices de retraite et de méditation. Quand nous nous isolons, nous sommes confrontés à nous-mêmes. L’ultime objectif de ce repli, c’est d’expérimenter une dimension qui met un terme aux automatismes des pensées narguantes. Se mettre en méditation met en évidence la nature de ce qui ne tourne pas rond en nous, ce que j’appelle la croyance de base. Exercer la méditation n’a de sens pour moi que quand je la conçois comme une discipline qui prépare mon système nerveux à faire face à l’apparente réalité de la séparation au lieu de la fuir. Il est impossible de vivre la dimension de la perception pré-sensorielle sans être capable de tenir debout dans le sentiment à peine supportable d’extrême solitude. Tant que je n’en suis pas capable, le sentiment de solitude est vécu comme réel. Et quand j’en suis capable, ce même sentiment se mute en une perception qui se reconnaît en tout : le désagrément cesse. Le sentiment de solitude ne disparaît pas, mais il n’est plus vécu comme une isolation ou une séparation.

Question :
La représentation que nous nous faisons de la mort est erronée, issue de la croyance de base.

Réponse :
Oui. La conception que les phénomènes existants ont un début et une fin vient du fait que nous les percevons comme distincts l’un de l’autre. Les percevoir comme distincts n’est pas du tout erroné, ils sont bien sûr aussi distincts, mais ce n’est pas ce qui les caractérise au niveau essentiel. En mettant mon attention sur ce qui est le dénominateur commun dans tout ce qui existe, la nature, les inventions de l’homme, les différences entre les hommes, ainsi que l’apparent début et l’apparente fin de tous ces phénomènes, je m’aperçois que le début et la fin de quelque chose ou de quelqu’un, moi-même inclus, sont des épiphénomènes de ma propre perception et de ma propre conception de l’existence. Du point de vue de la perception pré-sensorielle, l’importance d’un début et d’une fin s’efface.

Question :
Qu’en est-il de la peur ?

Réponse :
En dehors des peurs instinctives que nous trouvons aussi chez les animaux, la plupart des peurs vécues par l’homme cachent une humilité que la personne n’a pas su assumer. Nous pouvons distinguer deux sortes de peurs. (1) Il y a d’abord la peur, pour l’identité, de se remettre en question. Cette peur est de la même origine que la peur de mourir physiquement. Nous savons intellectuellement que nous pouvons mourir à tout moment. Tant que nous continuons à oublier cette réalité, nous produisons tous genres de sous-peurs. Ne pas les refouler n’est possible que lorsqu’ après un travail sur nous-mêmes nous aurons rendu notre système nerveux capable de faire face à la réalité de notre propre mort physique à chaque instant. Bien que la croyance de base ne puisse rien contre la mort, elle parvient à convaincre son propriétaire, et ceci à son insu, du contraire. En outre, chaque fois que nous sommes confrontés avec des ramifications de la croyance de base, nous risquons de rencontrer une peur. Cette peur n’est qu’une invention mentale basée sur des représentations. Elle agit comme un tampon amortissant le choc de la confrontation avec la croyance de base. Il est très enrichissant d’étudier les mécanismes des peurs (comme le propose la PNL), de se dissocier de la peur au moment-même où elle survient – d’autant plus quand une peur me paraît particulièrement justifiée – et d’apprendre à ne plus y croire. (2) Un tout autre genre de peur est celle issue des valeurs intimes et qui s’appelle en langue Allemande « Ehrfurcht ». « Ehrfurcht » est un mot allemand qui ne connaît pas d’équivalent en langue française. « Ehr » peut se traduire par révérence/respect et « Furcht » veut dire : appréhender la remise en question de son identité parce qu’il y a pressentiment d’être submergé par quelque chose de (dé) vaste (ateur). La « peur » de l’Ehrfurcht sait que je surévalue le rôle que joue mon identité. C’est une « peur » réelle qui n’est pas basée sur des représentations et qui s’accompagne d’une humilité naturelle non-forcée. Elle est accompagnée d’une profonde émotion de révérence vis-à-vis de la création qui m’entoure et dont je fais partie.

Question :
Quel est le rôle des cauchemars ?

Réponse :
Les cauchemars de la petite enfance sont directement liés à l’installation de la croyance de base dans le système nerveux. Sans eux, l’organisme ne pourrait pas assimiler les restrictions venues du monde environnant, et l’enfant ne pourrait pas développer son identité. Quand l’identité est bien en place, les cauchemars se manifestent pour rétablir l’équilibre psychique après la survenue d’un événement dramatique pour lequel la personne n’avait pas encore établi en elle un mode de réaction adéquate. Un travail sur soi, pour se détacher de sa croyance de base, déclenche en règle générale aussi des cauchemars, dont la caractéristique principale est l’absence d’émotions désagréables.

Question :
Est-ce qu’on peut dire que tous les désagréments que nous vivons tout au long d’une vie sont issus de la croyance de base ?

Réponse :
La question en ce qui concerne les désagréments, les malheurs, les maladies etc. est une des questions centrales que nous nous posons pour comprendre l’énigme de la vie. Chaque religion propose des modèles pour tenter d’expliquer ces phénomènes. Nous ne pouvons pénétrer dans ces mystères ni avec l’intellect, ni avec le cœur. Un travail sur la croyance de base nous oblige à affirmer, à assumer, c’est-à-dire à vivre l’ensemble d’une vie.

Question :
J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’issue.

Réponse :
La croyance de base est un cul-de-sac.

 

Question :
Et l’issue ?

Réponse :
D’abord il faut chercher l’issue jusqu’à l’épuisement total avec une impossibilité imbriquée de faire demi-tour. A un moment donné, et avec un peu de chance, une bombe atomique tombe et fait sauter le type qui crée l’impasse.

Question :
Qui est-ce qui l’amorce ?

Réponse :
Un télescopage avec soi.

LA VALEUR DE BASE / L’ÉTHIQUE

Question :
Quelle est la relation entre l’intérêt personnel et les valeurs éthiques pour quelqu’un qui cherche à retrouver la perception pré-sensorielle ?

Réponse :
Le destin existentiel d’un individu se situe en dehors des normes que nous propose la société. Quand nous sommes en contact avec notre valeur de base, nous exprimons ce destin. Dans ce sens, elle est la seule « valeur sûre » et immuable parce qu’elle est déconnectée des valeurs et des règles nécessaires à la vie en société. Toutes les sociétés nous proposent un code éthique qui – a minima – se manifeste dans les règles du bien et du mal. Empiriquement nous pouvons constater que partout il y a des gens qui expriment les deux extrêmes, la plupart se situant entre les deux, selon les circonstances. Ce qui se définit comme bien et mal peut varier d’une culture à l’autre. Nous pouvons partir de la présupposition qu’à travers toutes les cultures, c’est-à-dire dans chaque être humain, il y a un code inné qui est indépendant des valeurs culturelles et qui agit parfois plus, parfois moins, comme référence en ce qui concerne notre comportement vis-à-vis de l’autre, vis-à-vis de nous-mêmes et vis-à-vis notre environnement. J’appelle ce code inné « les valeurs intimes ». Les valeurs intimes sont directement issues de la perception pré-sensorielle avec laquelle nous sommes nés. Elles portent en elles le souvenir que tous les phénomènes sont issus d’une même origine et qu’ils sont liés entre eux. Mais contrairement à la perception pré-sensorielle, elles ne tombent que très rarement dans un oubli total. Nous sommes obligés d’oublier la perception pré-sensorielle au cours de la construction de la croyance de base pour acquérir une identité qui nous permet d’acquérir les outils nécessaires à la vie en société. La croyance de base se manifeste dans la vie fonctionnelle par l’intérêt personnel : mon intérêt contre l’intérêt de l’autre ou contre la nature. Ce conflit est amorti par les valeurs intimes. En outre, elle sert chez la plupart des êtres humains comme un « rappel à l’ordre » qui les empêche de diriger l’identité entière sur l’intérêt personnel. On pourrait établir une « échelle de corruption » : plus je poursuis à l’âge d’adulte mon intérêt personnel, plus je suis obligé de refouler les valeurs intimes. (Le capitalisme est le système économique qui correspond le plus à la rencontre souvent conflictuelle des intérêts personnels où chacun cherche à accumuler pouvoir et argent aux dépens de l’autre. Les économistes appellent cela « la concurrence ». Au niveau fonctionnel nous sommes obligés de jouer le jeu de l’intérêt personnel tant que nous vivons dans une telle société.) Et plus je refoule les valeurs intimes, plus je suis éloigné de ma véritable nature qui respecte de façon naturelle toute créature ainsi que toute création. Autrement dit, plus je décide de me laisser corrompre, c’est-à-dire de suivre mon intérêt personnel, plus je renforce ma séparation d’avec l’existence. Je valide en même temps chaque fois que j’agis de cette manière, d’aller à l’encontre de mes valeurs intimes. Ceci peut aller parfois jusqu’au crime. Je peux aussi prendre la décision d’essayer de suivre les règles éthiques que mes valeurs intimes m’indiquent. Néanmoins, personne n’a jamais vécu une vie sans dépasser les règles des valeurs intimes ou une vie sans conflits avec soi-même ou avec d’autres. Pourquoi ? Parce que tant que la croyance de base agit, nous sommes obligés d’exprimer notre intérêt personnel, que nous le voulions ou pas. Toutefois, si nous voulons retrouver nos origines, nous ne pouvons pas faire abstraction des valeurs intimes. C’est même grâce à leur présence que nous pouvons pressentir la possibilité d’une libération personnelle. Prendre en considération les valeurs intimes dans nos actes doit être vécu comme un acte volontaire et conscient qui ne relève d’aucune idéologie et qui ne cherche pas de gain. Seule cette façon de procéder à l’intérieur de soi-même est le garant que ce n’est pas encore une fois l’intérêt personnel qui le met sur son compte. En même temps nous devenons capables de considérer l’intérêt personnel de l’autre comme aussi légitime que notre propre intérêt personnel. Il ne s’agit donc pas d’aller contre l’intérêt personnel, ni en moi, ni dans l’autre, mais de prendre en considération dans nos actes nos valeurs intimes pour pressentir la nature commune de tout ce qui existe. Certains appellent ça : aimer.

Question :
Est-ce que dénoncer l’intérêt personnel fait surgir la valeur de base ?

Réponse :
Chacun est à un moment donné dans sa vie confronté avec la façon dont il a vécu sa vie jusqu’à ce moment-là. Les personnes ayant vécu des événements dramatiques et qui ont pressenti la mort physique, témoignent fréquemment d’une relativisation des valeurs éthiques exprimées jusqu’à ce jour-là au point de dire qu’ils n’avaient pas vraiment vécu auparavant. Certains font la paix avec leur entourage quand ils savent qu’ils vont mourir. Pourquoi ? La mort physique est aussi la fin de l’identité. Quand l’identité est confrontée avec la mort physique, elle sait que ses ambitions personnelles vont cesser. Les ambitions personnelles sont en règle générale influencées par l’intérêt personnel. Plus je m’appuie sur les valeurs de l’intérêt personnel, plus je dois automatiquement aller contre l’intérêt personnel de quelqu’un d’autre ou de la nature. La valeur de base n’est pas influencée par tout cela. Elle ne se dévoile qu’à celui qui a appris à ne pas céder à la tentation de s’accrocher à son intérêt personnel. Mais ce n’est qu’une condition préparatoire. Pour incarner sa valeur de base il est indispensable de quitter la pensée dualiste mal-bien, de changer de niveau logique. La dichotomie du mal-bien se situe au niveau logique fonctionnel, la valeur de base au niveau logique existentiel. En se confrontant avec sa croyance de base on se donne l’autorisation de sentir l’humilité dans le sens que Le Petit Robert précise : « Sentiment de sa faiblesse, de son insuffisance… » Toutes les pensées qui croyaient que les malheurs vécus dans sa vie étaient de la faute de l’autre ou des circonstances ne peuvent plus tenir debout. Il s’installe au plus profond de l’être une humilité due à une humiliation exaltante consumant l’amour-propre. Cette attitude se manifeste dans une modestie, une simplicité naturelle et non-forcée qui ne juge plus en termes mal-bien, qui est. Or, la valeur de base ne peut s’exprimer de façon durable que quand la croyance de base a cessé d’agir.

Question :
On trouve cette attitude parfois chez les gens qui vivent en retraite, comme par exemple des ermites. Mais dans la vie professionnelle nous sommes confrontés avec des intérêts personnels. Comment vivre cette simplicité dans de telles circonstances ?

Réponse :
Les ermites qui ont choisi la solitude intégrale comme mode de vie sont rares. Ou ils sont à la recherche de leur croyance de base ou ils l’ont trouvée et c’est un choix volontaire de savourer la solitude. La simplicité dont je parle est une attitude qui se vit paisiblement dans l’intimité de l’être, elle est entièrement indépendante des circonstances. Elle n’est pas en contradiction avec le comportement externe que j’adopte quand je négocie une remise pour l’achat de ma voiture. La plupart des activités en société prennent un caractère ludique. Parmi les conditions pour accéder à cette tranquillité d’esprit figure la renonciation volontaire aux pensées-convictions, du genre : la société me doit…; l’autre me doit…etc.

Question :
Il y a des gens qui font ce qu’ils font consciencieusement et il y a les autres qui n’ont pas cette attitude.

Réponse :
« Faire » se réfère au niveau logique du fonctionnel, « Être » se réfère au niveau logique existentiel. Il faut distinguer entre« être » consciencieux et « faire » consciencieusement. Celui qui est consciencieux dispose d’une attention particulière qui lui permet de faire consciencieusement. Cette attention est dirigée sur l’action elle-même avant de viser le résultat de l’action et avant de viser le résultat du résultat de l’action. Elle porte en elle le pressentiment que tous les phénomènes sont interconnectés. Quand nous sommes consciencieux dans ce que nous faisons, nous savons également que nous sommes en connivence avec le non-nommable en nous-mêmes : nous sommes des parties d’un tout. Tout au long de l’histoire de l’humanité le fait d’être consciencieux est considéré comme une valeur honorable. Ceci ne vient pas prioritairement du fait que nous apprécions la qualité. Être consciencieux dans nos créations ainsi que dans nos relations est une condition préalable à la quête de l’essentiel.

Question :
Est-ce que « être attentif » correspond à « s’observer » ?

Réponse :
Je ne préconiserais pas l’observation de soi parce que c’est en règle générale le« je » qui s’observe. En outre, il est plus facile d’être attentif, quand nous prêtons attention à ce que nous suggèrent nos valeurs intimes. Quand nous nous obligeons à nous relier avec la pureté et l’innocence qui est notre état d’être et qui s’exprime chez tous les enfants, les valeurs intimes s’expriment naturellement, et ceci au-delà et en dehors de tout code éthique. L’ingénuité dépasse l’intellect qui préfère la complexité. Nous n’avons qu’à nous le rappeler dans notre cœur.

Question :
Il y a parfois un conflit entre mes valeurs intimes qui m’indiquent un certain comportement et les demandes de mon entourage qui voudrait que j’agisse de façon contraire à mes valeurs intimes.

Réponse :
Si nous oublions dans ce genre de situations que notre propre intérêt personnel est autant présent et légitime que celui de l’autre, nous devenons hypocrites sans le vouloir. Les valeurs intimes émergent du non-nommable et quand l’attention est sur elles, mon intérêt personnel ainsi que l’intérêt de l’autre jouent à la périphérie. Il ne s’agit donc pas de considérer les valeurs intimes comme étant plus recevables que l’intérêt personnel, mais de déceler le génie de ce dernier.

Question :
Qu’est-ce qui arrive quand je suis les intuitions de mes valeurs intimes ?

Réponse :
Quand il n’y a pas d’attente, nous nous contraignons à nous confronter avec nous-mêmes.

LA PERCEPTION PRE-SENSORIELLE

Question :
Quelle est la différence entre la perception pré-sensorielle et la perception sensorielle ?

Réponse :
La réponse dépend du point de vue que je prends. Dans la réalité de celui qui vit la perception pré-sensorielle cette différence n’existe pas, parce que la perception pré-sensorielle est par définition la perception non-discriminante : elle ne discerne pas les phénomènes. La perception sensorielle ne cesse pas de fonctionner quand on accède à la perception pré-sensorielle. Il y a toujours coexistence entre les deux. Mais une fois que j’ai retrouvé la perception pré-sensorielle je sais, et ceci n’est pas un savoir intellectuel, qu’à chaque moment, tout ce que je perçois sensoriellement n’est qu’une extension de la perception pré-sensorielle. Je peux aussi répondre à ta question en partant de la perception sensorielle. Je vois, j’entends, je ressens, je goûte et je sens. En remontant les niveaux logiques en devenant de moins en moins spécifique, en faisant de plus en plus abstraction de mes sens, j’arrive obligatoirement aux origines de la perception. Comme si je faisais un jeu cérébral, je peux me poser la question : « Qu’est-ce qui fait que je perçois avec mes sens ? » Bien sûr, je ne me contente pas des réponses habituelles qui ne sont que des modèles comme par exemple : « C’est le nerf auditif qui est stimulé » etc. Pour obtenir une réponse qui me satisfasse je laisse de côté toutes les explications données par la science ; je me réfère résolument à moi-même avec l’attitude d’un chercheur de ses propres origines, en excluant tout ce que j’ai lu ou entendu à ce sujet, et en excluant tout ce que je répète en dialogue interne et en excluant tout ce que j’ai mémorisé. Je fais comme si mon passé n’avait jamais existé. Il s’ensuit que j’arrive à être présent dans ce que j’appelle la perception sensorielle-immédiate : moi percevant. Je continue à abstraire : « Qu’est-ce que cette perception sensorielle-immédiate ? » Au bout d’un moment j’arrive à conclure : le « moi-percevant » devient « percevant ». Le « je » a provisoirement disparu. Il n’y a plus que perception pure et non-séparante (entre moi et ce qui m’entoure). Ceci dit : au niveau d’abstraction le plus éloigné, le « je » qui perçoit disparaît temporairement. Il ne reste plus que la perception pré-sensorielle. Tout en restant dans cette perception pré-sensorielle je fais demi-tour en devenant plus concret, plus spécifique. Je réapparais, je perçois avec mes sens. Si j’arrive à rester dans la perception pré-sensorielle, j’ai « gagné » : ce qui réapparaît, ce n’est plus le « je » qui se croit être le centre de son univers, c’est un « je » transformé qui aime jouer son rôle exécuteur sans prétention. De surcroît il participe maintenant de façon active et créative au déroulement du destin personnel. Voici un schéma qui décrit ce processus :

 

Perception pré-sensorielle moins spécifique
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Perception sensorielle-immédiate |
| |
Perception sensorielle plus spécifique

 

Pour résumer, on peut dire que la différence entre la perception pré-sensorielle et la perception sensorielle n’existe que quand je me situe au départ au niveau de la perception sensorielle qui, bien qu’elle émane de la perception pré-sensorielle, agit comme un filtre qui voile l’accès à cette dernière. On pourrait aussi répondre à la question par une histoire Zen.
Disciple : Quelle est la voie de la vérité ?
Maître : Est-ce que tu entends le ruissellement de la rivière ? Disciple : Oui.
Maître : Si oui, c’est la voie.

Question :
Est-ce qu’on peut dire que la perception pré-sensorielle est comparable à un phénomène énergétique ?

Réponse :
D’abord, elle n’est pas un phénomène et elle n’est pas représentable. Par contre, elle est partout. En partant de la présupposition que tout ce qui existe est énergie, elle est cette énergie. Mais cette énergie n’existe pas à « l’état pur », elle se manifeste toujours à travers des phénomènes existants et perceptibles.

Question :
Quelle est la relation entre la perception pré-sensorielle et les phénomènes dits surnaturels comme la clairvoyance ou les miracles ?

Réponse :
Ce que sont des miracles aujourd’hui, ce sera la normalité demain. Et demain il y aura d’autres miracles qui n’existent pas encore aujourd’hui. D’un point de vue de la perception pré-sensorielle, la question en ce qui concerne des phénomènes non explicables ne se pose pas. Tant qu’il se prend pour ce qu’il n’est pas, le « je » a besoin d’explications. A cette fin il crée des modèles et des croyances en oubliant en même temps qu’aucune explication ne peut être définitivement satisfaisante. Les miracles perdent leur attirance quand nous devenons le miracle de tous les miracles qu’est la création, la vie.

Question :
Tu parles de la « faculté d’anticipation » dans « Le Chant des Sirènes ». Quelle est sa différence avec la clairvoyance ?

Réponse :
Habituellement, quand on parle de la clairvoyance, on présume qu’il y a une Madame X qui sait prévoir pour Monsieur Y ce qui va se passer dans le futur du Monsieur.
La faculté d’anticipation dont je parle va de pair avec la perception pré-sensorielle ; elle est un épiphénomène de l’abolition de la croyance de base. En aucun cas on ne peut l’acquérir par un apprentissage quelconque et elle n’est ni innée, ni un don. Quand nous ne vivons plus sous l’influence de la croyance de base, nous percevons plus nettement avec nos sens et les évaluations que nous faisons des situations rencontrées ne sont ni obscurcies par des a priori, ni par notre intérêt personnel. Nous sommes donc capables d’observer et de considérer bien plus de paramètres. Plus j’ai d’informations sur une situation donnée, plus je peux anticiper son déroulement. Ceci se fait dans un état interne d’attente permanente, sans s’accrocher (= croire) à un déroulement particulier.

Question :
Que faire des peurs, des angoisses, de la souffrance ?

Réponse :
Tant que la croyance de base agit, il y a ces phénomènes. Chaque apparition de ces états internes désagréables renvoie à la croyance de base, à l’identité séparatrice et devient occasion d’un travail sur soi. Celui qui vit la perception pré-sensorielle ne peut pas avoir de peur comme on en connaît habituellement. Il est conscient à chaque moment que la maladie, les accidents, la faillite, la mort, le deuil font partie de la vie et que tout peut arriver à tout moment. L’identité par contre a besoin de refouler ces pensées « négatives », elle trouve la confrontation avec ces sujets dangereuse et menaçante. La « solution », même dans les situations les plus outrageantes et humiliantes, ne peut avoir lieu qu’au niveau de la perception pré-sensorielle qui ne juge pas les événements.

Question :
Quelle est la relation entre la perception pré-sensorielle et le temps ?

Réponse :
Il n’y en a pas. Le temps aussi agit comme filtre. Il est un modèle qui nous permet de structurer notre vie fonctionnelle. Depuis Einstein nous savons que notre modèle du temps n’est pas universel. Mais même les découvertes d’Einstein sur la relativité du temps ne sont finalement qu’un modèle qui a élargi la compréhension du temps pour certains. La perception pré-sensorielle se situe hors temps ; dans l’absolu, elle ne se réfère même pas à l’infini ou à l’éternité. En même temps elle est présente dans tout ce que nous percevons, et aussi dans les modèles du temps.

Question :
Pour retrouver un souvenir, pour planifier mes courses et pour apprendre quelque chose de nouveau, j’ai besoin de représenter le passé et le futur.

Réponse :
Oui. La faculté de mémorisation et le temps font partie des références du « je » au niveau fonctionnel. Le bon fonctionnement de ce que j’appelle « la mémoire interne » repose en grande partie sur le bon fonctionnement de la motivation personnelle. En psychothérapie il est bien connu qu’une bonne mémoire dépend entre autres de la satisfaction que l’on trouve dans ses activités. Échec, faillite, maladie etc. peuvent entraver la motivation et risquent de porter atteinte à la faculté de mémorisation. Dans l’extrême, en observant les personnes qui portent en eux la maladie dite « d’Alzheimer », on peut en effet constater de l’extérieur que quelque chose de comparable à une dissolution de l’identité a eu lieu. Apparemment la mémoire est directement liée avec l’identité. Pour accéder à la perception pré-sensorielle il faut s’apprêter à perdre temporairement la faculté de mémorisation.

Question :
Perdre la mémoire ?

Réponse :
Évidemment. La plus grande partie de la mémoire est soutenue par la motivation personnelle de l’identité. Quand l’identité s’écroule, la faculté de mémorisation s’écroule en même temps. Il tient du miracle de pouvoir perpétuer la vie fonctionnelle pendant un certain temps. Petit à petit on s’habitue ; il s’installe une nouvelle façon de se souvenir des événements et des personnes, que j’appelle « la mémoire externe ». Elle ne dépend plus de la motivation personnelle qui a cessé d’exister. Dans la perception pré-sensorielle je sais que je suis interconnecté avec tout ce qui m’entoure : je perçois le déroulement des événements comme un processus en perpétuel mouvement dont je fais partie. Je suis conscient que je perçois en permanence de façon sous-jacente l’ensemble des différents contextes ainsi que les liens qu’ils tissent entre eux. La mémoire externe est la mémoire de l’interconnexion de ces contextes dans ses moindres détails. Ce sont les exigences du contexte actuel qui font surgir automatiquement ce que j’ai besoin de savoir pour répondre.

Question :
Y a-t-il un accès direct à la perception pré-sensorielle ?

Réponse :
Oui-non-oui-non.

Question :
L’accès direct passe par un koan ?

Réponse :
Oui-non-oui-non.

Question :
Comment vit-on la vie de tous les jours en étant dans la perception pré-sensorielle ?

Réponse :
La cohabitation entre le niveau logique existentiel de la perception pré-sensorielle et le niveau fonctionnel de la perception sensorielle se fait harmonieusement. Nous ne pouvons pas prétendre à la perception pré-sensorielle tant que nous croyons qu’elle est dichotomique à la vie fonctionnelle. Puisqu’on n’est plus sujet aux états internes, la vie de tous les jours s’enrichit énormément sur tous les plans.

Question :
Que deviennent les états internes ?

Réponse :
Ils ne disparaissent pas, c’est l’importance que je leur attribue qui diminue. Selon les projets que j’ai en tête, je produis des états internes stimulants ou des états internes démotivants, et c’est le « je » qui les juge comme tels. Celui qui vit dans la perception pré-sensorielle ne s’occupe pratiquement plus de ses états internes. Il les constate sans leur accorder une importance particulière.

Question :
Il y a des états internes comme la joie, la motivation, la curiosité etc. Si je diminue leur importance en moi, comment est-ce que je peux participer activement à la vie ?

Réponse :
Tant que le « je » se croit le nombril de son existence, il vaut mieux pour lui qu’il se trouve le plus souvent dans des états internes agréables. Celui qui accède à la perception pré-sensorielle s’installe dans son être en perdant temporairement toute motivation d’agir. Petit à petit il apprend à répondre aux exigences de la vie sociale qui l’entoure sans qu’il y ait motivation personnelle. Il tombe en accord et souvent amoureux avec les divers contextes dans lesquels il circule. Les différents états internes (être bien, être mal etc.) se réduisent à l’état interne dont ils étaient issus : « être ». « Être » est le dénominateur commun de tous les états internes. Ici ce n’est plus une motivation personnelle qui agit, mais la motivation naturelle qui est à l’origine de tout ce qui évolue et qui prend en considération l’interconnexion de tout ce qui existe.

Question :
Est-ce qu’il y a des manifestations du corps physique quand la perception pré-sensorielle survient ?

Réponse :
Les stratégies sociales incrustées en nous et nécessaires à la vie fonctionnelle, comme la motivation personnelle, la faculté de mémorisation, ainsi que les croyances et les jugements, ont produit dans notre système nerveux depuis le début de notre arrivée sur la planète un effet d’accoutumance comparable à celle de la toxicomanie. Nous effleurons fréquemment la perception pré-sensorielle, souvent sans en être conscient. Si nous voulons la vivre consciemment et de façon permanente, nous nous rendons compte des manifestations nerveuses semblables à l’état de manque d’un drogué qui est privé de ses drogues. Nous nous sommes habitués depuis notre toute petite enfance à vivre avec les stratégies sociales pour pouvoir participer à la vie en société. Mais tant que nous continuons au-delà d’une nécessité à maintenir l’attachement à ces stratégies, nous nous privons du contact avec nos origines. Le processus de libération personnelle est une lutte permanente contre l’effet intoxicateur des stratégies sociales qui sont des éléments constituants de notre identité séparatrice (et non une lutte contre ces stratégies elles-mêmes).
L’inconfort physique en fait partie en règle générale.

Question :
Comment est-ce que l’on peut reconnaître quelqu’un qui vit la perception pré-sensorielle ?

Réponse :
La perception pré-sensorielle ne se reconnaît qu’en soi-même.

Question :
Est-ce que le déroulement de la vie quotidienne se modifie avec la perception pré-sensorielle ?

Réponse :
Le déroulement de la vie quotidienne n’est jamais le même. Chaque jour est différent, chaque moment est un nouveau moment, jamais vécu avant.

Question :
Je vis avec la représentation qu’il y a un début de la journée quand je me lève et une fin de la journée quand je me couche. Le soir, je peux re-visionner ce que j’ai fait pendant la journée, comme je peux à tout moment re-visionner la vie que j’ai menée jusqu’à ce jour. J’ai l’impression qu’il y a une certaine linéarité dans ma vie.

Réponse :
Il faut distinguer entre « faire » et « être ». Ce que je fais dans ma vie n’est pas ce qu’est ma vie. Dans mes actions, je peux réussir ou échouer et je peux observer une linéarité dans le temps. Au niveau de l’être je suis avant toute autre chose et ce « je suis » est hors du temps et hors de la linéarité. Quand j’agis sachant que je suis, mes actes ne laissent pas de traces en moi. C’est l’identité qui produit l’illusion d’une linéarité dans la vie. Le modèle de la linéarité est sûrement un modèle très pratique pour gérer la succession des activités dans la vie de tous les jours. Mais il est complètement inadapté si nous voulons expérimenter en nous-mêmes la nature de notre existence. Seule une immersion perceptive dans tout ce qui est inconnu et inconnaissable peut nous dévoiler les coulisses de la vie qui émerge de l’indéfini et de l’indéfinissable d’une création non encore née. La perception pré-sensorielle est parfaitement synchronisée sur la non-linéarité, en même temps elle met en évidence les corrélations entre les phénomènes. La linéarité par laquelle nous construisons nos modèles définis et connaissables est une spécificité issue de la perception pré-sensorielle.

Question :
Est-ce que dans la perception pré-sensorielle je me reconnais encore, moi ?

Réponse :
Habituellement nous nous reconnaissons par ce que nous faisons, par nos actions (notamment celles qui nous valorisent), et surtout par nos réactions émotionnelles vis-à-vis des événements et vis-à-vis des personnes. Cette reconnaissance n’est pas un « état d’être » permanent, elle survient plus ou moins souvent pour ensuite disparaître à nouveau. Elle est soumise aux fluctuations de la vie qui se déroule de façon aussi peu prévisible que la météo. La reconnaissance de soi dans la perception pré-sensorielle est une reconnaissance qui est présente tout le temps en toutes circonstances et qui ne dépend de rien. Non seulement je sais qui je suis et que je suis. Je sais que je suis un avec mon moi dans une intimité ultime.

Question :
Il n’y a pas de bonheur ni confort physique. Qu’y a-t-il à la place ?

Réponse :
Rien.
Une richesse perceptive incommensurable.
Une normalité qui ne peut être plus insignifiante.
Une simplicité du cœur.
Une gratitude envers l’existence.
Une fraîcheur dans chaque instant.
L’innocence.
Rien.