Si je devais résumer l’enseignement en quelques mots, je dirais ça : c’est simple, quand tu ressens une tension identitaire, tu accueilles la souffrance nécessaire et tu attends que la vie te propose quelque chose qui se cristallise.
Accueillir la souffrance nécessaire, c’est la pratique que je juge la plus importante dans notre travail. Si j’avais à décrire le « mode d’emploi » pour accueillir la souffrance utile, je dirais :
– quand un événement ou une situation vient me toucher désagréablement, je bloque ma réaction spontanée ;
– je prends la responsabilité de ce que je ressens, sans chercher à accuser un autre ou la situation d’être la source de mon problème ;
– j’accueille le ressenti désagréable, sans jugement, sans recherche de solution mentale au problème, et j’essaye de me relaxer ;
– quand l’émotion est devenue moins forte, j’essaye de trouver une solution « objective » à la situation et je pose les actes en conséquence ;
– je ne m’attache pas aux résultats de mes actions et je reste ouvert pour accueillir ce qui se présente.
Je me rends compte que d’attendre que la vie propose quelque chose qui se cristallise n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît.
Il y a une notion de temps et ce temps (peut) permet (tre) à de subtils doutes de venir s’immiscer pour remplir ce vide avec… de la souffrance inutile. Donc une fois la souffrance nécessaire accueillie, il est judicieux de rester dans le vide, comme un funambule sur sa corde, sans filet, avec de la vigilance à chaque instant.
Est-il plus simple d’accueillir la souffrance nécessaire ou d’attendre que la vie te propose quelque chose qui se cristallise ?
Accueillir la souffrance nécessaire est à la base du travail et c’est donc la première option, je dirais, celle qui dépend de moi, par la vigilance, la conscience de ce qui se passe en étant présent aux tensions par la présence corporelle, le blocage de l’expression des sentiments désagréables, l’acceptation (accueil de la souffrance nécessaire) de la situation.
La cristallisation me semble plus indépendante de moi, la vie me l’amène et là non plus je ne peux rien faire qu’accepter, la différence entre les deux je la vois plus en terme de dépendant de moi (de ma responsabilité) et d’indépendant de moi, c’est du moins comme ça que je comprends « que la vie te propose quelque chose qui se cristallise ».
C’est ce que je vois et dans un cas comme dans l’autre je ne vois pas de « simplicité », mais dans le contexte où on l’avait évoqué ce dont je me rappelle c’est que finalement c’est « simple » à faire, dans le sens où il n’y a rien de compliqué, tout le monde peut comprendre facilement le processus qui est « simple » et le mettre en œuvre.
Après dans la pratique du quotidien ce qui est moins simple (je parle pour moi), c’est de ne pas oublier de le faire (systématiquement), dans la durée. Avec des situations de fatigue importante, des pertes de vigilance, un peu de laisser-aller, ça peut devenir un peu plus « compliqué ». D’où l’importance pour moi d’avoir des garde-fous (rappel de soi, refus et dénonciation de l’identification, retour dans la conscience corporelle, reconscientisation de la souffrance nécessaire) qui m’empêchent d’aller plus loin dans la glissade et me remettent si je puis dire « dans le droit chemin ».
Pour ma part (et certains éléments recouvrent ce que d’autres ont écrit), l’accueil de la souffrance nécessaire est quelque chose sur lequel je peux et je dois « agir » tandis que je ne peux rien faire pour que quelque chose se cristallise (autre que d’accueillir la souffrance nécessaire). En même temps, l’accueil de la souffrance nécessaire peut se faire sur une petite contraction, l’espace d’un instant, mais il peut s’agir aussi d’accueillir des souffrances qui durent très longtemps, et la difficulté est alors de rester dans l’accueil, sans rajouter de souffrance inutile, sans s’échapper. C’est là que la deuxième partie est délicate : attendre que la vie propose que quelque chose se cristallise, mais sans attente de résultat, sans demande, sans condition sur la vie. Quelque part, pour moi, ce sont les deux faces de la même pièce accueillir la souffrance nécessaire, c’est accueillir la vie elle-même, sans condition, avec sa part d’inconnu. C’est « se soumettre » à la vie. Il y aura cristallisation ou pas…
Un jour, quelqu’un m’a expliqué la différence entre compliqué (contraire de facile) et complexe (contraire de simple). Démonter puis remonter un avion, c’est compliqué parce qu’il y a beaucoup de pièces mais pas complexe. Il suffit de rigueur et de méthode pour y arriver. Prendre un plat de spaghettis, le vider et le remettre à l’identique, c’est complexe.
Pour l’accueil de la souffrance nécessaire et l’attente de la cristallisation, je dirais que les deux sont simples mais ce n’est pas forcément facile !
Cette pratique peut être faite à chaque fois que nous rencontrons des événements mineurs ou majeurs qui nous gênent dans le déroulement d’un plan, ou qui perturbent notre confort. C’est-à-dire tout le long de la journée avec quelques exceptions. 🙂
Accueillir la souffrance nécessaire brûle les peurs.
En fin de compte, pratiquer l’accueil de la souffrance nécessaire fait qu’il devient évident que derrière notre volonté/ego/identité il y a la CONNAISSANCE DE LA VIE RÉELLE.
Les dynamiques de la VIE RÉELLE ne peuvent être dévoilées que lorsque qu’il y a une absence de peur de façon continue. On doit devenir capable de ne plus avoir peur de la merde qui pourrait apparaître, et à la place, de l’accueillir au même niveau que les bonnes choses de la vie.
Devenir conscient existentiellement qu’en réalité notre vie est similaire à être dans des montagnes russes comportant une possibilité de sortie mortelle à tout instant, n’est pas pour les peureux. 🙂
Mais en y regardant objectivement, que pourrait-on dire d’autre à propos de sa vie en général ?
Accepter la souffrance nécessaire est un prérequis et est indispensable pour être prêt à « sauter » dans ce que la vie peut proposer. Sans faire le « travail » et accepter la souffrance nécessaire, il n’y a aucune possibilité de cristallisation. Seulement attendre ce que la vie propose, me semble être de la procrastination.
J’ai remarqué que c’est très important pour moi. Faire en sorte d’être sûr qu’attendre ce que propose la vie n’est pas une excuse pour l’évitement et dans le même temps s’ouvrir et laisser la vie se déployer comme elle le veut et ne pas résister. L’un est basé sur le mental et l’ego, l’autre est basé sur le cœur, et il y a entre les 2 une différence de qualité dans l’expérience. Et la peur bloque ce qui est basé sur le cœur. La vie est comme des montagnes russes et je vois l’accueil de la souffrance nécessaire comme garder mes yeux ouverts et participer pleinement dans les tournants et les loopings sans me crisper ou imaginer ce qui viendra.
L’accueil de la souffrance nécessaire est de mon ressort. C’est une décision et un (non-) acte d’accueil, d’ouverture à la vie, qui m’aide à me débarrasser progressivement de tous les tampons que j’ai été capable d’interposer entre moi et elle (séparation). C’était pourtant quelque chose de basiquement simple (l’accueil de la souffrance nécessaire) lorsque j’étais nouveau-né. 🙂 Mais qui est devenu très compliqué lorsque en endossant ma personnalité, j’ai érigé toutes ces protections qui désormais se mettent en place automatiquement en fonction de la situation (le fameux « fight, flight, freeze »).
Quand la souffrance nécessaire a été évitée dans une situation donnée, il se peut qu’on devienne agressif (combat), ou qu’on prenne la fuite ou qu’on se fige. On peut voir ces actes comme des créateurs de la souffrance inutile.
Ce que décide la vie n’est absolument pas de mon ressort. Tant que je suis persuadé que j’ai un pouvoir sur la vie, alors à travers mes attentes ou mes refus de ce qu’elle propose, je générerai de la souffrance inutile. Je ne crois pas que l’accueil de la souffrance nécessaire implique forcement qu’une réponse de la vie se cristallisera en réponse à cet accueil. C’est une possibilité. Mais ça ne dépend pas de nous. Et c’est de la grâce dont il est question ici.
Chaque accueil de la souffrance nécessaire engendre un processus de transformation et quelque chose forcément se cristallise (à l’intérieur de soi et/ou dans la façon dont la vie se déroule). Cela n’a rien à voir avec la grâce. La cristallisation peut soulever (même plus) de la merde comme de la félicité. On ne sait jamais. 🙂 Cela peut soulever plus de souffrance nécessaire ou moins, on ne peut pas savoir. Chacune de ces cristallisations te reconnecte encore plus avec ce que la VIE EST.
Il semble que j’aie mal compris la signification de « cristallisation ». Je pensais que c’était à propos d’un événement extérieur (une opportunité) mais pas également à propos d’un événement intérieur. En regardant de loin cette situation, je me dis que l’accueil de la souffrance nécessaire et l’attente de la cristallisation sont totalement liés.
Il n’y a pas d’attente à avoir ici.
Si je suis dans l’accueil, alors j’accepte aussi (j’accueille) que la vie ne me propose rien (et la souffrance nécessaire qui peut éventuellement accompagner cette constatation). Si je suis dans l’accueil et que la vie manifeste une opportunité/cristallisation, alors j’accueille aussi la souffrance nécessaire qui peut accompagner le fait de plonger dans cette opportunité.
Chaque accueil d’une souffrance nécessaire prépare une opportunité d’entrer en contact avec la VIE RÉELLE. Ce processus élargit/transforme notre système nerveux pour finalement pouvoir vivre le vide permanent.
En accueillant la souffrance utile, je ressens l’humilité, le vide, je suis disponible, à l’écoute, je reste ouverte à ce que la vie me propose.
Une façon que j’ai de regarder la souffrance nécessaire est que la vie invite parfois, ou recommande fortement que nous vivions une souffrance particulière, parce que c’est en quelque sorte nécessaire pour rester ou entrer dans la « dynamique de la Vie ». Cela ressemble à quand un parent dans sa fonction nourricière essaye de persuader ou de « forcer » un enfant à prendre un médicament nécessaire pour « être vivant ». Plus je résiste, plus la procédure de persuasion durera et le parent ne s’arrêtera jamais d’essayer différentes approches (par exemple, diluer le médicament, ou le mélanger avec autre chose). En tant qu’enfant, je ne suis conscient que du fait que le médicament a un goût horrible et je ne comprends pas pourquoi le médicament est nécessaire, si finalement je prends le médicament (c’est-à-dire volontairement), j’avale avec confiance. Donc, pour moi, il y a un élément de confiance pour accueillir et accepter la souffrance nécessaire.
De mon point de vue, accueil de la souffrance nécessaire et cristallisation sont intriqués. La vie propose régulièrement des contextes – différents sur la forme, mais similaires dans le fond – pour accueillir la souffrance nécessaire. Ça se cristallise au fur et à mesure de l’accueil qu’on concède, un peu à l’insu de notre plein gré j’irais jusqu’à dire. C’est un accueil où conscience corporelle et humilité se confondent.
J’essaie d’accueillir la souffrance nécessaire à chaque fois que la vie la fait émerger. J’ai l’impression que la cristallisation se fait, mais ne dépend pas de moi du tout. Juste accueillir.
Je ne comprends pas l’utilisation du mot « cristallisation » et comment cela se relie à la souffrance nécessaire.
L’identité « déteste » accueillir la souffrance nécessaire. Elle chérit la souffrance inutile à la place. Quand tu pratiques systématiquement l’interdiction/le rejet des souffrances inutiles et l’accueil de la souffrance nécessaire, quelque chose est certain de se cristalliser à l’intérieur de toi et dans la façon dont ta vie se déroule. Cette pratique affaiblit l’impact de l’identité et modifie la façon dont tu décides des choses. La cristallisation peut être observée par l’Error! Post not found for word:auto\-observation et est liée avec le déploiement de la valeur de base, et progressivement la non-identité prend le dessus.
Très clair pour moi maintenant. Merci. Il me semble que cette pratique non seulement brûle les craintes (des événements douloureux), elle brûle aussi, ou affaiblit/démotive, le désir/besoin pour des événements agréables. J’ai réalisé que ma quête quotidienne de plaisir/confort me tient identifié et consomme beaucoup de temps et que la capacité/volonté d’accueillir la souffrance nécessaire est une condition préalable pour la laisser aller/la lâcher. Quand je le fais, il y a un sentiment de liberté et d’ouverture à tout ce qui pourrait arriver l’instant d’après.
Pour moi c’est devenu plus simple d’accueillir une souffrance nécessaire depuis que j’ai compris avec les derniers échanges, qu’il pouvait s’agir de très petites choses, de désagréments très ordinaires. Du coup, c’est fréquent, et l’accueil de cette souffrance (qui pour moi passe par une détente physique quelque part dans le ventre) devient un geste intime. Ce n’est pas toujours facile, je peux encore par moments laisser la souffrance inutile occuper l’espace, mais c’est simple. En ce qui concerne la cristallisation, il me semble que ça ne m’appartient pas, que je ne peux pas agir à ce niveau.
Je me suis rendu compte de toute la souffrance inutile que j’ai subie en essayant d’anticiper ce qu’il va se passer, je ne veux pas dire anticiper dans le bon sens comme planifier et prendre des mesures pour réduire les risques potentiels (réels), je me réfère à l’activité inutile qui consiste à imaginer comment les choses vont se développer, de cogiter dans l’espoir de gagner quelque « information » ou guidage sur ce que je devrais faire et comment le faire. Il y avait une sorte d’attachement émotionnel à ce phénomène, l’illusion que cela résout quelque chose alors qu’en fait quand je reviens à la réalité, je découvre que ce n’est pas le cas. Alors pour moi un gros effort dans la pratique quotidienne est d’essayer d’être attentif et d’accueillir la souffrance nécessaire de ne pas savoir ce qu’il va se passer, et ne pas chercher à contrôler un futur imaginé.