Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Procrastination – 2

J’étais vraiment très doué pour procrastiner. Et ça m’a explosé à la figure !

Est-ce complètement fini, maintenant ?

Disons que je l’ai « en laisse ». Mais il y a des choses que je ne fais pas tout de suite.

Oui, mais ce n’est pas forcément de la procrastination. Ca dépend du contexte. Souvent, ça me vient et je sais qu’il faut le faire tout-de-suite. Comment tu gères la procrastination des autres ?

Des fois, je le fais à leur place. Et des fois, j’accueille la souffrance nécessaire.

Objectivement, c’est une souffrance inutile pour toutes les victimes d’un procrastineur, mais comme ça dépend de l’autre, il nous faut considérer ça comme une souffrance nécessaire.

Et des fois, je sors du truc et je laisse l’autre faire. Ou je laisse tomber toute l’affaire. Quand on ne procrastine pas, on peut sentir la force qui grandit en soi, mais quand on procrastine, on peut aussi sentir la force qui s’enfuie et diminue.

Le fait de ne pas attendre des relances pour faire ce qu’il y a à faire et de relancer les autres si j’attends quelque chose, je me rends compte de ce que ça me fait à moi. Ça s’ajoute à la conscience corporelle et à la transmission et ça rejoint ce qu’on a dit sur la vraie vie. En fait, je me rends compte que je peux devenir très chiant avec quelqu’un qui procrastine. Mais aussi que je grandis dans ma propre certitude. Finalement, j’ai conscience que ça va faire chier l’autre, donc ça génère de la souffrance nécessaire en moi.

Il y a une autre chose du même ordre : c’est le manque de précision dans les demandes des autres. Ça génère aussi de la souffrance nécessaire.

Oui, c’est ce qui se passe avec la majorité des gens. Quand je reçois une demande, je m’attends à ce qu’elle soit incomplète ou erronée, et s’il y a tout, je le prends comme un cadeau.

Dans mon expérience, ça a mis seulement trois jours pour ressentir les bienfaits de la force de non procrastination.

La procrastination fonctionne comme une drogue. Elle te fait te sentir bien. La sensation plaisante de joie et de liberté que l’on éprouve au départ de la procrastination s’insinue dans le système nerveux.

La décision de procrastiner provoque des failles dans nos fondations et la joie d’abdiquer sa responsabilité s’insinue dans les failles.

Personnellement, je ne parlerais pas de force, mais ne plus procrastiner amène de l’énergie, de la vibration, avec la satisfaction d’avoir fait ce qu’il y avait à faire. Et pour l’organisation, je me suis fait un petit carnet où je liste les choses à faire, et je raye au fur et à mesure. Mais le plus important, c’est l’énergie et la joie.

La qualité du repos est différente aussi.

Je constate que je paye encore les effets de la procrastination du passé, depuis l’adolescence.

En fait, la merde a la même odeur, qu’il s’agisse de quelque chose de nouveau ou d’un résidu du passé. Il se trouve juste que tu en as beaucoup plus car il y a tout le résidu du passé à traiter.

Parfois j’ai l’impression de faire chier l’autre en lui demandant la même chose plusieurs fois, jour après jour.

C’est la même chose qu’on a partagé plus tôt, dans un contexte différent en parlant de relancer les autres. Faire chier l’autre, c’est une souffrance nécessaire.

Le point clé avec la procrastination, c’est l’évitement de la souffrance nécessaire.

Il semble qu’il y a une certaine impatience quand je procrastine. Dans l’impatience, il y a des attentes cachées.

Il m’est venu quelque chose par rapport à tes impatiences. Est-ce que ce n’est pas une fuite par rapport à une souffrance nécessaire, à l’incertitude de ne pas savoir de quoi sera fait demain ? La patience est souvent une souffrance nécessaire.

Il y a quelque chose que j’ai repéré : dans certaines situations, au lieu d’accueillir la souffrance nécessaire, on envisage toutes les hypothèses possibles. Par exemple, quand on attend un train qui n’arrive pas.

C’est vrai que je regarde toutes les hypothèses mais elles apparaissent, je ne les génère pas. Ce n’est pas mental.

Mais si, c’est du mental. C’est de l’imaginaire. Est-ce que tu ne te sens pas plus vivant quand tu es dans l’imaginaire ?

Oui. Et il y a une croyance que si je ne fais pas ça, je vais être un légume.

Là, tu perds la conscience corporelle. C’est flagrant. Donc, essaye de voir ce qui se passe si tu arrêtes ce processus. Rester dans la conscience corporelle, accueillir la souffrance nécessaire, et de là, tu verras ce qui se passe. Avant, il y avait de la colère en toi. Maintenant, tu as fait une première étape en n’allant plus dedans, mais tu n’es pas allé jusqu’au bout. Tu te réfugies dans l’imaginaire. Désormais, il faut arrêter ça et rester dans le « je ne sais pas ».