Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

A propos de la peur

Qu’est-ce que l’absence de peur ?

Si j’agis sans peur, il y a responsabilité personnelle, absence d’intérêt personnel et absence de considération interne.

Quel est le lien entre l’intérêt personnel et la peur ?

S’il n’y a pas d’intérêt personnel et de considération interne, je ne vois pas comment je peux avoir peur.

L’expression qui m’est venue, c’est détente et absence de focalisation sur quelque chose. Égalité d’attention.

Et la foi, la confiance dans la vie aussi, non ?

Oui.

Si on enlève tous les autres, que l’on reste soi avec soi-même, est-ce qu’il n’y a pas un autre aspect ?

Il pourrait y avoir la peur de la mort, peut-être. Mais si je parle d’une peur de mourir à moi-même, par exemple, je ramène ça à l’ego et à l’intérêt personnel.

(s’adressant à A.) Est-ce que tu as eu des peurs dans le passé récent ?

A : Pas fréquemment, mais de temps en temps. Ma situation financière m’effraie un peu.

Est-ce que ce sont des peurs instinctives ou émotionnelles ?

A : Il y a une partie instinctive, mais aussi des scénarios qui sont émotionnels, et qui ne sont pas nécessaires.

Il y a les peurs nécessaires qui sont instinctives et des peurs ajoutées, qui sont psychologiques. Qu’est-ce qu’il se passe si tu enlèves la deuxième partie ?

A : Rien ne changerait.

Donc arrête ça.

A : Oui.

Je ne suis pas d’accord avec le rien ne change. Car en fait, si tu arrêtes d’avoir des peurs inutiles, tu seras plus ouvert à accueillir ce qui se passe et à des informations utiles.

A : Mais il y a davantage d’incertitude quand on est profession libérale.

La sécurité pour les salariés est une illusion.

C’est la même chose avec la santé. En tant que malade, on peut avoir peur du lendemain tandis que les gens en bonne santé peuvent croire qu’ils vivront encore de nombreuses années, et c’est une illusion. Dans mon cas, lorsque je ne me laisse pas polluer par mes peurs, je suis plus clair et j’ai plus de ressources.

Est-ce que la peur et la conscience corporelle peuvent coexister ?

Non.

Quand j’ai peur, et que je prends conscience de la conscience corporelle, la peur disparaît.

Je crois que je ne connais plus la peur. Je peux avoir un questionnement, mais plus la peur. Il y a 3 éléments que je vois par rapport à ça : 1) la confiance totale ; 2) la responsabilité partagée ; 3) surtout être toujours prête… et je me pose cette question tous les jours : est-ce que je suis prête ?

Et il me semble que la peur qui était la racine de toutes les peurs, c’est la peur du vide.

Prête à quoi ? À mourir ?

À mourir ou à n’importe quoi. C’est ça l’accueil.

J’ai parfois l’impression que je suis déjà à moitié mort. C’est comme si je suis encore attaché avec un fil, mais que je n’arrive pas à définir.

J’ai eu une expérience comme ça, lors d’un stage, où il fallait respirer de façon constante. Mais j’ai senti l’espace entre les expirations et les inspirations avec l’impression que je pouvais mourir consciente.

À propos de la question « être toujours prête », je me posais aussi la question de savoir s’il restait un remords et un regret.

Ça rejoint la notion d’affaire non finie (unfinished business en anglais). Il y a une phase où on nettoie les choses du passé.

Quand on a fait le travail pendant des années, il n’y a plus de résidu comme ça à nettoyer.

En revenant en arrière, je réalise le lien indissociable entre confiance en la vie et incertitude.

Et ça renvoie au « je ne sais pas » dont on a déjà parlé. Dans l’humilité, je ne sais pas et je ne peux pas le savoir. Et en même temps, il y a la possibilité de rejeter les fausses certitudes et la sécurité que le mental essaye d’avoir.

D’ailleurs, produire un scenario négatif, en pensant au pire, est aussi une illusion et un piège, car cela créé aussi une fausse certitude.

Oui, c’est aussi de l’imagination.

Revenons à ce qu’on a dit au début : un homme dans l’équilibre est un homme sans peur. Et j’ai bien aimé la remarque qui pointe que l’origine de toutes les peurs est la peur du vide. Nous, on accueille le vide et donc, il n’y a plus de peur.

J’ai vu comment la peur m’a fait fuir la souffrance nécessaire.

Ça, c’est la clé. Parce que quand tu accueilles la souffrance nécessaire, ça brûle la peur. Sinon, la peur devient rapidement un prétexte pour ne pas accueillir la souffrance nécessaire.